[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#a68963″]P[/mks_dropcap]ablo Katchadjian est un savant fou. Avec La Liberté totale, publié au Nouvel Attila dans une traduction de Mikaël Gomez Guthart, il introduit des personnages-lettres dans son livre et laisse les différentes situations évoluer. Nous serions tentés de dire que Pablo Katchadjian a improvisé cette histoire pour voir les réactions que produit une littérature joyeusement expérimentale. C’est un texte inclassable. Ce n’est pas du théâtre ni du roman mais une forme libre où on lit uniquement les dialogues que s’échangent les personnages. Chacun avec un caractère bien précis, ils évoluent dans un univers qui ne se rapporte que très peu à la réalité.
Le dialogue commence entre A et B sur la question de la liberté. Mais il se trouve qu’ils sont enfermés et on les force à réfléchir sur un thème donné. Fuyant ce lieu, ils vont rencontrer E, une femme, puis plus loin F, un homme qui se dévoile être très sentencieux et semeur de zizanie. Dans ce vaste espace, territoire neutre de la fiction, il y aura de l’incompréhension, de l’ironie (souvent mal comprise), du sarcasme, des disputes et des réconciliations. La Liberté Totale arrive à nous embarquer dans la fiction uniquement avec des dialogues écrits volontairement neutres.
Ce qu’arrive à produire Pablo Katchadjian est un texte hybride, une création résolument drôle et intelligente. On avait découvert cet auteur avec Quoi faire aux éditions Le grand os, traduit par le même traducteur et Merci aux éditions Vies parallèles traduit par Guillaume Contré. Ces trois textes donnent envie d’en découvrir plus sur celui qui semble être un trublion de la littérature argentine. Malgré des démêlés avec la veuve Borges pour une réécriture de L’Aleph, on peut considérer que Pablo Katchadjian s’inscrit largement dans une certaine tradition littéraire.
L’écrivain nous démontre qu’il connait tout aussi bien l’art de la fiction que n’importe quel lecteur de José Luis Borges. Avec La Liberté totale, il va à l’essentiel et nous transporte dans un territoire inconfortable où nous rions comme on lance des SOS. Nous sommes bel et bien perdus dans une forêt aux sens contradictoires et notre seul espoir est de ne pas chercher à identifier nos interrogations. En sommes, plaçons-nous dans l’inconfort de la liberté et rions très fort.
La liberté totale de Pablo Katchadjian traduit par Mikaël Gomez Guthart
publié par Le Nouvel Attila – avril 2019