C’est un livre-objet, imprimé sur un beau papier épais et qui joue sur le temps qui passe en usant de calques couleurs. C’est un roman graphique, dont les pages bicolores en noir teinté de gris-bleu alternent avec celles tout en couleurs, vives et solaires, qui incarnent l’insouciance d’une enfance révolue. C’est un ouvrage sensible qui réserve bien des surprises. Cet album, c’est « Le dernier des étés » (Groupe Paquet) d’Alfonso Casas, auteur barcelonais édité pour la première fois en français.
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#DB9498″]N[/mks_dropcap]ous sommes en 2017. Dani va se marier avec Alex. Une décision mûrement réfléchie. Une page qui se tourne aussi, non sans un brin de nostalgie. Alors avant de s’engager, Dani veut revenir sur les traces du passé et sur une histoire d’amitié singulière à laquelle il a mis fin vingt ans plus tôt. Appareil photo en bandoulière, le voici donc qui prétexte le montage d’une exposition, sobrement intitulée « Passé imparfait, présent simple », pour s’absenter trois jours. Objectif : retourner photographier les endroits du village où il venait passer toutes ses vacances estivales. Et tenter de retrouver les mêmes amis et connaissances que lorsqu’il était enfant.
S’il y a bien un visage que Dani n’a jamais oublié, faute d’avoir su ou pu parcourir le chemin de vie qu’il aurait pu prendre à l’époque, c’est celui de « Poil de carotte », un garçon du village rencontré par hasard à un arrêt de bus alors qu’il se faisait importuner par Miguel et sa bande de potes. Se lier dans l’adversité, ça crée de fortes amitiés. De ce côté, ces deux-là se sont vite entendus.
Jeux de ballon, jeux de plage, balades et premières pauses cigarette, sous le ponton, à l’abri du soleil tapant… Dani et son ami d’enfance sont devenus inséparables, rejetant même la compagnie de Maria puisque, c’est bien connu, « les filles ne causent que des ennuis ». Et puis un jour, à la fin d’un été ressemblant à tous les autres, sans vraiment donner d’explications, Dani a déclaré à ses parents qu’il ne souhaitait plus revenir au village. Les années ont passé. Mais le poids des souvenirs s’est fait de plus en plus lourd. Avant de se marier, Dani s’est donc décidé à trouver de vraies réponses à des questions trop longtemps restées en suspens.
Outre un dessin soigneusement travaillé, Alfonso Casas livre avec « Le dernier des étés », un récit intime et nostalgique, sans pathos pour autant. La tristesse et le désarroi, tout autant que la tendresse et l’émotion habitent les 144 pages de la bande-dessinée, nous offrant d’interpréter chacun à notre manière le bonheur des deux amis d’être ensemble, mais aussi les silences et le trouble de Dani, les colères et la joie de vivre de « Poil de carotte ». Traitant de choix difficiles, la BD se présente comme un retour aux sources pour l’ensemble des protagonistes. De ce beau voyage, plein de charme, sensible et délicat, nous devenons les témoins à la fois intrigués et attentifs. Un beau plaisir de lecture en tout cas.
Le dernier des étés – Alfonso Casas
Groupe Paquet – 16 janvier 2019