[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]O[/mks_dropcap]nce upon a time, il y a deux ans, dans des contrées teutoniques hostiles, un duo de jeunes gens fougueux ayant sorti, avec Die Grubenmärhe, un des meilleurs albums de 2017 tous styles confondus. Ce groupe de post ados bien dans leurs baskets, cheveux aux quatre vents, c’était Dauþuz. Quoi ??? Encore ??? Oui, bien sûr, je sais : j’en avais parlé et les avais même positionnés en 5ème place de mon top 2017. Bien sûr, la chronique était arrivée un peu après les tops, en retard. Du coup, cette année, je prends les devants et en parle maintenant, que vous ne soyez pas surpris de les revoir encore en très haute place dans mon top 2019. Parce que, si j’avais le secret espoir qu’ils ne se plantent pas pour leur troisième album, je ne pensais pas que Monvmentvm serait (de nouveau) une telle réussite.
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]S[/mks_dropcap]ur Monvmentvm, les Allemands ne changent rien à leur formule (soit un black metal sec, tendu en permanence, flirtant régulièrement avec l’épique) mais l’organisent différemment, changeant le cadre. Sur Die Grubenmärhe, l’acoustique structurait l’album, encadrait la violence, la rendait presque acceptable en faisant baisser la tension. Ici, même si la fonction reste identique (apporter un tant soit peu de sérénité, de calme dans une violence épique), la structure en revanche change.
Dès la première minute, vous entrez dans le vif du sujet avec des vocaux toujours aussi impressionnants (alternance de grunt et de chant hurlé sur mode très aigu) et une musique qui vous prend à la gorge, resserre son étau et se permet au même moment de vous retourner les tripes. Car, s’ils ne changent rien à leur formule (entre Die et Monvmentvm la différence est minime, entraînant même une certaine déception à la première écoute), les Allemands vont bien plus loin dans l’émotion.
On retrouve toujours cette finesse dans la brutalité, ce travail d’orfèvre les caractérisant, ce sens de l’épique (rappelant Emperor), mais tout semble ici démultiplié pour vous emmener vers un seul poing : le KO. Technique, évidemment (de par les coups assénés, imparables), mais surtout émotionnel, de par cette mélancolie diffuse qui ne prendra toute son ampleur qu’au terme de ce disque. Pour parvenir à un tel résultat, les Allemands vont employer une méthode simple : la constance. La constance à vouloir tenir la mélodie à tout prix, ne pas céder au chaos : dire qu’il n’y a pas ou peu de dissonance serait forcément exagéré mais il y a chez eux une fluidité, une évidence et ce malgré les changements d’accords, de mode, malgré les pauses, les différentes directions prises, faisant qu’en aucun cas vous n’êtes perdu. Baladé, malmené dans différents territoires certes mais même dans les cas les plus extrêmes, le duo, en gardant en tête ce leitmotiv, insuffle toujours une humanité parmi ces strates monstrueuses de guitares, de hurlements.
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]ette humanité, vous la trouverez dans les chœurs clairs, grandiloquents (presque issus d’un opéra sur certains morceaux, notamment sur le superbe et émouvant Monvmentvm), les guitares jouées sur une tonalité mineure (vous vissant les mélodies dans le crâne de façon indélébile) ou l’introduction d’un piano antique (clôturant de façon magistrale ce très grand disque). Vous la trouverez également dans le fait que leur black metal soit bien plus nuancé qu’il n’y paraît, à l’image de leur visuel, incapable ou ne voulant pas faire le choix entre beauté et répugnance, inquiétude et apaisement. Le duo exclut ainsi tout manichéisme, préférant amalgamer les émotions, quelles qu’elles soient (aussi bien la rage que la terreur, la tristesse et même la sérénité), les pétrir dans le but de vous amener à réfléchir sur toutes ces contradictions qui vous secouent et comprendre pourquoi, dans un même morceau, vous pouvez éprouver autant l’admiration que le rejet.
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]E[/mks_dropcap]t c’est bien là qu’est la grande force de Dauþuz sur Monvmentvm, celle de creuser un même sillon plus profondément à chaque fois, de ne rien changer à sa formule, quitte à faire preuve d’une apparente psycho-rigidité, pour mieux atteindre certaines émotions enfouies sous des couches de bruit, de fureur et réussir, dans un style ne s’y prêtant absolument pas, à susciter de nombreuses interrogations voire une introspection. Monvmentvm, du black metal introspectif ? Pourquoi pas, après tout. Parce qu’au delà de ce que le black metal a à offrir (et dont le duo s’acquitte parfaitement), Dauþuz, sans quitter sa zone de confort, expose ses failles intérieures, émeut comme peu de groupes le font jusque là et parvient, paradoxalement, à se mettre encore plus en danger que sur ses précédents efforts. In Finstrer et Die Grubenmhäre étaient déjà des chefs-d’œuvre en soi, Monvmentvm les surpasse. À ce niveau de qualité, je ne sais pas comment les Allemands vont s’en sortir pour éclipser ce Monvmentvm qu’on peut aisément qualifier, sans trop se tromper, de futur classique du genre. Grand disque, grand groupe et très certainement grande année pour le metal (mais ça, vous le verrez dans mes prochaines chroniques).
Sorti le 12 avril chez Naturmacht Productions et disponible chez tous les disquaires metallo-mélancoliques de France et de Navarre.