[mks_dropcap style= »letter » size= »83″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]I[/mks_dropcap]l est de ces gens qui débarquent d’à peu près nulle part et qui, immédiatement, s’accrochent à votre esprit comme le vieux chewing-gum s’accroche à vos semelles. Steve Gunn est encore relativement inconnu en nos contrées francophones, excepté par un cercle d’initiés de plus en plus grandissant par la grâce d’albums très réussis (Time Off en 2013, Way Out Weather en 2014). Son nouvel album s’intitule Eyes On The Lines et on va tenter de vous expliquer pourquoi vous ne pouvez pas passer à côté.
On le sait, sans tomber dans l’excès passéiste du « c’était mieux avant », chose que je me garderais bien de dire car, après tout, à chacun son époque, on n’assiste plus à l’émergence de nouveaux courants musicaux depuis le début du 21ième siècle (A ce sujet je vous renvoie vers Simon Reynolds et son Retromania). La plupart des artistes se tournent assez naturellement vers l’hommage relativement appuyé tout en essayant d’y apporter une once de leur originalité. C’est toujours mieux que les floraisons multiples de tribute band dont le monde semble assez friand aujourd’hui.
Si l’on devait tracer une ligne d’influences composées de gens comme Bob Dylan, Lou Reed, Van Morrison, Nick Drake, John Fahey, Bert Jansch ou encore Michael Chapman, en 2016 nous retrouverions principalement en vis-à-vis de cette ligne des gens comme Kurt Vile, Kevin Morby, Ryley Walker, Cass McCombs, Damien Jurado et bien sûr Steve Gunn. De jeunes musiciens talentueux qui ont à peu près tous la particularité de s’être fait la main sur le Punk rock avant de bifurquer vers les racines de la musique populaire américaine et du folk anglais. Ceci juste histoire de savoir où vous mettez les pieds.
L’empreinte du temps semble s’être arrêtée au beau milieu des années 70 pour Steve Gunn, lui qui a le bon goût de remettre les guitares électriques au centre du débat, sans pour autant se contenter de jouer les virtuoses. Les guitares sont au service des chansons. Les accords sont compliqués, mais les mélodies limpides. A l’ancienne. On pense notamment à Park Bench Smile, où la mélodie fait écho à un accord de guitare démentiel accompagné d’un jeu de batterie motorik qui fait penser à un train propulsé à grande vitesse. Le clip vidéo l’illustre d’ailleurs parfaitement.
De moments forts, l’album n’en manque pas, à commencer par les deux extraits lancés en éclaireurs sur le net quelques semaines avant la sortie officielle du disque, Ancient Jules et Conditions Wild, très accrocheurs. On appréciera aussi la très champêtre Nature Driver ou encore la plus classique Heavy Seals.
L’album est aussi taillé pour le Live. Il a eu l’occasion de démontrer la pertinence de ses chansons ainsi que toute l’étendue de son talent le 19 mai dernier à Bruxelles à l’occasion des Nuits Botanique (il était à Paris, au Batofar, la veille), avec un backing band au diapason. Nous en sommes toujours à nous demander, quelques 15 jours plus tard, comment il est possible de concilier sa technique guitaristique avec le chant en lead. C’est totalement ahurissant.
Eyes On The Lines, c’est un album de Rock à la fois basique et sophistiqué, accrocheur et pointu, écrit pour la route mais prenant sans cesse des chemins de traverse. Alors, si vous en avez un peu marre des standards actuels calibrés radio FM, je ne saurais trop vous conseiller de vous jeter oreilles les premières sur la discographie du prodige originaire de Philadelphie mais résidant à Brooklyn, en commençant par Eyes On The Lines, bien évidemment.
Steve Gunn, Eyes On The Lines, depuis le 03 juin chez Matador.
Site Officiel – Facebook – Twitter
Photo bandeau : Constance Mensh