[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]40[/mks_dropcap] ans après la sortie de leur premier single, Television Personalities trône toujours au sommet des groupes cultes et maudits, main dans la main avec Felt, autre ovni des années 80, et quelques autres. À l’occasion de la sortie de Beautiful Despair, un album de morceaux plus ou moins inédits enregistrés en 1990/91, revenons sur ces punks à mi-temps et ce génie de Dan Treacy, qui à lui tout seul aurait pu être plus grand que les Beatles…
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]’est un peu, voire même beaucoup, une triste histoire que celle de Television Personalities et son leader Dan Treacy, londonien né en 1960 dont la mère aurait, selon la légende, lavé les frusques de Led Zeppelin dans son lavomatic. Drogues, maladie, prison et un succès proche de zéro, seuls quelques happy fews connaissent l’importance et l’immense talent des TV P’s au long d’une dizaine d’albums remarquables et de fantastiques chansons, qui ont marqué des gens aussi divers que Nirvana, Pavement ou plus étonnamment MGMT qui composa Song For Dan Treacy, sur Congratulations, leur album de 2010.
La carrière, même si le terme parait impropre pour décrire l’histoire chaotique du groupe, se décline en 3 périodes bien distinctes, entrecoupées de disparitions mystérieuses, plongées dans les affres de la drogue, long séjour en prison, chaque décennie charriant son lot de galères et de fulgurances, rendant le groupe aussi attachant que terrifiant.
La première période superbement remise en lumière par Fire Records l’année dernière et la réédition des 4 premiers albums du groupe nous emmène de 1978 à 1984. 14th Floor, le 1er single du groupe sort en 1978, en pleine explosion punk. Television Personalities se démarque de suite par des mélodies somptueuses faites de bric et de broc, des paroles tristement drôles et décalées et un mélange pop/post-punk jetant un pont entre Syd Barrett et Joy Division, le Velvet Underground et The Jam.
Dan Treacy commence l’aventure avec Ed Ball, qui partira ensuite former The Times avec Alan McGee, et quelques autres musiciens, qui pour la plupart, ne feront que de brefs passages. Le début de Television Personalities est juste parfait, …And Don’t The Kids just Love It, Mummy Your Not Watching Me, They Could Have Been Bigger Than The Beatles et le sombre et fascinant The Painted Word, les quatre premiers albums sont indispensables, tout simplement.
Dan Treacy annonce les Smiths, invente le name dropping et compose les plus belles chansons du monde aux titre improbables (I Know Where Syd Barrett Lives, Lichtenstein Painting ou Back To Vietnam), c’est un gamin qui réfléchit, un intellectuel qui s’amuse.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]’est la fin de la première partie et le début des ennuis. Dan Treacy, miné par la drogue et la dépression, disparait pendant 5 ans sans donner de nouvelles, il faudra ainsi attendre 1989 pour retrouver les TV P’s avec un nouvel arrivant, le bassiste Jowe Head qui jouait auparavant au sein de The Swell Maps.
Le groupe sort comme il peut le merveilleux Privilege en 1989, alors que les chansons, dont la géniale Salvador Dali’s Garden Party, ont déjà été écrites depuis bien longtemps puis Closer To God en 1992 et I Was A Mod Before You Was A Mod en 1995. C’est un bordel sans nom dans la tête de Dan Treacy qui enchaine compositions géniales de plus en plus personnelles et problèmes psychiques sévères. Le bonhomme disparait à nouveau et finit en prison pour cambriolage.
Le retour inattendu et inespéré se fait en 2006 et la sortie du miraculeux My Dark Places, suivi de Are We Nearly there Yet et A Memory Is Better Than Nothing. Les titres des albums vous laissent comprendre très vite que Dan Treacy, la voix sur un fil de plus en plus tenu, continue à s’accrocher coûte que coûte, bien conscient qu’il n’ira jamais tout à fait bien, empilant overdose sur overdose. Il n’empêche, ses derniers albums comportent encore quelques splendeurs telles que I’m Not Your Typical Boy ou She’s My Yoko.
En 2011, Dan subit un accident cérébral qui, aujourd’hui encore, l’oblige à être hospitalisé et pris en charge. Tout retour parait cette fois-ci improbable d’où l’immense émotion qui nous saisit quand on découvre Beautiful Despair, titre parfait pour résumer l’histoire de Television Personalities.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]es 15 chansons présentes sur Beautiful Despair datent de 1990, 7 d’entre elles sont déjà connues en version plus électrique sur Closer To God, alors que 5 autres feront le bonheur des faces B des nombreux singles parus par le groupe dans les années 1990, autant dire qu’elles apparaitront comme toutes nouvelles à la terre entière ou presque, les heureux possesseurs de We Will Be Your Gurus ou encore Now that I Am A Junkie ! devant être relativement pour le moins peu nombreux.
Beautiful Despair contient également 3 véritables inédits : Beautiful Despair, If You Fly Too High et I Like That In A Girl. C’est d’ailleurs une rencontre au sommet entre beautiful losers à laquelle nous convient ces chansons, puisque la magnifique I Like That In A Girl est basée sur des échanges entre Dan et Lawrence de Felt (on aurait tellement voulu être là !) alors que If You Fly Too High évoque Evan Dando des Lemonheads et Alan McGee, le boss de Creation Records, grand fan des TV P’s.
Les chansons ont été enregistrées entre 1989 et 1990 dans l’appartement de Jowe Head à Stoke Newington, entre Privilege et Closer To God qui reprendra donc nombre de ces enregistrements en configuration groupe avec Jeffery Bloom, Bekka Jones, Derek Pascoe et Kuljit Bhamra.
Beautiful Despair se limite donc à la guitare rachitique et émouvante et la voix enfantine mais aux milles fêlures sublimes de Dan Treacy alors que Steve Howe assure les chœurs et la rythmique. Forcément, les vieux fans dont je fais partie vont adorer. On espère que ces quelques mots vous donneront envie d’y jeter une oreille attentive, car il est rare d’entendre des chansons aussi pures et simples, qui vous mènent du rire aux larmes en l’espace d’une seconde. Essayez donc le dernier morceau, This Heart’s Not Made Of Stone pour mieux comprendre mon propos.
En effet, nous sommes loin d’une simple compilation de démos inabouties. Le disque surprend par son unité et sa cohésion, avec un travail remarquable de Steve Howe, alternant pop songs sautillantes de Hard Lucky Number 39 ou Goodnight Mr. Spaceman et morceaux plus tendus et sombres comme How Does It Feel To Be Loved ou I Get Frightened Too.
Beautiful despair confirme le génie de Dan Treacy et nous laisse espérer la parution d’autres enregistrements, tant on l’aime, ce bonhomme !
Beautiful Despair est disponible le 26 janvier chez Fire Records.