[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#eeee22″]E[/mks_dropcap]couter le nouveau Troy von Balthazar, c’est retrouver un ami perdu de vue depuis deux ans, mais avec qui la conversation coule à flots comme si on s’était vu la veille. Mais cet ami, finalement si familier, n’aurait que des malheurs à vous raconter. Troy von Balthazar ne va pas fort, mais depuis toujours, il est de la trempe d’un Mark Linkous ou d’un Elliot Smith. Si durant les années Chokebore il a su faire parler la poudre en accélérant le rythme et en plaquant des guitares furibardes, depuis ses années solo, le bonhomme est passé à une vitesse nettement plus douce. Il a plutôt tendance à poser sa joue contre sa guitare acoustique et nous parler de ses travers, ses déboires, ou ses histoires romantiques un peu perdues. Mais il ne se contente pas de s’épancher sur lui-même à longueur d’accords, il s’amuse aussi (enfin, c’est pas ambiance cotillons non plus, hein…) à triturer sa texture, sa matière. Comme sur ses opus précédents, il contourne ses mélodies pour les accommoder à la sauce perturbée, comme sur Thugs, où une mélodie distordue comme jouée sur un bontempi truffé de faux contacts, vient chahuter une bouleversante balade. Car, il faut bien l’admettre, Troy von Balthazar trousse des chansons bouleversantes au kilomètre. Cela en devient presque agaçant car il systématise la larme à l’œil et vous coûte une blinde en mouchoirs en papier. De Chokebore lui reste cette forme de mélancolie langoureuse, qui vampirise vos états d’âme en rampant vers vous comme une couleuvre amoureuse.
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#eeee22″]C[/mks_dropcap]hez Troy von Balthazar, point de démonstration, les accords sont martelés et répétitifs, et c’est peut-être le seul endroit où le bas blesse. Ce nouvel album solo a parfois tendance à ressembler étrangement au précédent qui, lui-même, ressemblait légèrement au précédent, et ainsi de suite. Oui, Troy von Balthazar écrit des chansons magnifiques, capables de faire chialer un Hannibal Lecter, surtout lorsqu’il se détache de ses gimmicks pour adopter un piano aérien comme sur Smarter; mais c’est sur Astrid par exemple qu’il devient plus convaincant, lorsqu’il abandonne cette langueur monotone qui fait certes sa marque de fabrique mais lui donne un aspect roue libre qui pourrait bien, à la longue, lasser un peu.
Il n’empêche que sur ce nouvel album, il donne une nouvelle fois l’occasion de se prendre la tête entre les mains pour lutter avec soi-même et ne pas fondre en larmes devant la simple beauté de certaines chansons : Curses notamment avec cette suite d’accords d’une limpidité harassante tant elle semble naturelle chez Troy von Balthazar. Pour autant, l’album sait également se montrer tordu, et prouve que malgré quelques redites, le bonhomme en a encore sous le pied, lorsqu’il triture New World Lamb, que l’on croirait enregistré un lendemain de gueule de bois avec cette voix ralentie et cette boîte à rythmes ultra binaire. Et Smile me direz-vous ! Oui, je vous attendais sur ce terrain. Et je vous le dis, je ne suis pas fier de vous. Me prendre par les sentiments, c’est moche ! Troy von Balthazar y fait ce qu’il sait faire de mieux, bouleverser les âmes en deux minutes, sur une mélodie qui s’étend, s’étire sans trouver de point d’envergure, sur fond de distorsion réverbérée, et de guitares acoustiques au coin du feu. Mais c’est un feu qui crépite au point de faire cramer la baraque et ne plus vous laisser qu’à côté de votre tas de cendres et de vos souvenirs.
Et les tas de cendres, Troy von Balthazar les empile car alors que l’on pensait qu’il allait vous prendre par la main pour vous rappeler que maintenant que votre casba vient de partir en fumée, il est temps de changer de paysage, et bien non : il vous emmène à la cave avec My Black Prize et vous invite à étendre le riff à tout ce qui vous attache encore un peu ici bas. Ce nouvel album est une suite de vignettes allume feu qu’il est presque dangereux d’écouter d’une traite tant il parvient à vous bouleverser à chaque coin d’accords. Même l’étrange Lemon Seed et son rythme presque arabisant ne parvient pas à dispenser un sourire ou deux.
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#eeee22″]U[/mks_dropcap]ne fois de plus, Troy von Balthazar a mis au monde un album bouleversant qui diffuse du spleen à chaque étage et je me dis que s’il n’était pas un ami, je le mettrais à la porte manu militari pour se donner autant de mal, sur chacune de ses chansons, à foutre mes soirées en l’air. Reste malgré tout un arrière goût qui flirte avec le danger d’une redite qui pourrait peut-être finir par lasser s’il ne se décide pas, un jour à changer de feuille de route. En attendant, ne parions pas sur le futur et éprouvons notre résistance à l’eau de nos propres larmes avec cet album une fois de plus malmenant et qui tangue dangereusement comme un bateau ivre.
Sortie le 1er avril chez Vicious Circle et chez tous les bons disquaires, équipés d’anti-dépresseurs, de boîtes de mouchoirs et de mercalm, de France et de Navarre.
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