C’est avec un grand plaisir non dissimulé que l’on retrouve cette grande autrice de littérature française, discrète et besogneuse, Marie-Hélène Lafon avec un nouvel opus intitulé Les sources, qui fait figure d’événement dans cette rentrée littéraire d’hiver.
A l’instar de Pierre Michon ou d’un Pierre Bergounioux, elle écrit dans cette lignée de récit mâtiné de terroir littéraire, un texte court mais qui en dit long entre les lignes. Le livre aurait pu s’appeler racine ou origine, Les sources narre la vie d’une famille qui s’installe dans une vieille maison du sud de la France, le Cantal ou un endroit similaire, une campagne un peu perdue, aujourd’hui on dirait une périphérie.
Dans une première partie, nous sommes dans les années 60, une femme nous raconte une vie. Son installation avec son compagnon dans cette ferme qui demande effort et sueur pour l’entretenir et donner de quoi se nourrir. Puis tout va trop vite. Mariage dont elle garde un souvenir honteux, puis trois enfants successifs nés sous césarienne, la douleur du corps, la fatigue. Et puis lui se transforme, il durcit, devient plus sec, violent. Elle repense à sa vie d’avant et ce qu’elle a maintenant. L’homme devient de plus en plus orageux, les coups commencent à tomber. Elle décide de sauver sa vie et ses enfants et demande l’impensable à l’époque, le divorce. Inimaginable, elle subit l’opprobre de cette décision.
Dans une seconde partie l’homme revient sur ses fautes mais c’est trop tard. Entre mauvaise foi et éducation patriarcale surannée, il pense qu’il a agit comme il a pu. Il déteste son fils qu’il trouve mièvre parce qu’il est trop proche de sa mère. Seul compte sa ferme et parfois des coups de sang surgissent…
Comme troisième partie, en 2021, Claire se souvient de tout ça. Elle ose à peine franchir le seuil de la porte de sa maison d’enfance qui doit être vendue après la succession. Les souvenirs comme une source affluent. Cette mère courageuse et aimante, ce père fautif.
En une centaine de pages Marie Hélène Lafon raconte tout cela et un plus encore, entre les lignes. Les silences sont des paroles, la concision comme marque de fabrique de l’autrice qui développe un texte limpide sur les thèmes de la famille, les liens sociaux entre les hommes et les femmes, radioscopie d’une famille de l’époque pas si éloignée de nous.
Les Sources de Marie-Hélène Lafon
Buchet Chastel, janvier 2023