BEAK>
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Invada Records
28 Mai 2024
Ça commence par une suspension solennelle qui résonne tel un cantique joué par un harmonium d’église, une voix qui semble agoniser avant un enchevêtrement progressif de strates électroniques, de battements roulant à la perfection et qui éclairent une matrice foncièrement hypnotique.
Avec l’annonce à l’arrache d’un quatrième volume aux chevrons renversés, BEAK> nous offre un condensé de sonorités sans s’encombrer d’une promo en grande pompe. Une fois encore aux manettes de l’opération, Billy Fuller, Geoff Barrow et Matt Williams se rappellent malgré tout à notre bon souvenir, six années après la précédente livraison qui m’avait totalement emballé au point de définir les membres du groupe comme les barons du kraut.
En 2024, >>>> pourrait paraitre moins évident d’accès mais si vous empruntez cet itinéraire bis, il ne sera pas impossible de tomber à la renverse à l’écoute d’un titre comme Windmill Hill et son squelette complètement cabossé. Dans la foulée, Denim confirme la touche psychédélique de l’ensemble, une homogénéité teintée fortement de rêveries étranges et qui finalement ne dénotent pas avec la pochette même du recueil présentant Alfie en superhéros aux yeux lançant des lasers foudroyants (le pitch du disque nous apprendra qu’il s’agit du regretté chien de Geoff Barrow).
A tous les niveaux, il émane de >>>> une spontanéité touchante. L’écriture et l’enregistrement ont été goupillés au Pays de Galles dans la foulée de l’époque déstabilisante du confinement sanitaire. De cet isolement quasi post apocalyptique est né la bizarrerie des retrouvailles en un lieu isolé. Il est possible de ressentir clairement cette ambiance, je dirais, « tiède » (dans le sens noble de l’acceptation). En effet, le trio joue avec les humeurs tantôt plombées, tantôt bien plus obsédantes, parfois mises carrément sous cloche, avant de rebondir en empruntant des virages qui nous portent vers des pentes plus prononcées. Notons par exemple les reliefs quasi chamaniques de Ah Yeh ou encore Secrets dont la basse plongée dans l’éther annonce un final où les claviers nous plaquent littéralement au sol.
BEAK> nous parle de musique pour l’esprit mais ce descriptif ne nous empêchera pas d’y déceler une vocation plus mécanique pour ne pas dire métaphysique, au carrefour de quelques occasions aux aspérités souvent sombres. Remettre alors le disque sur la platine encore et encore, histoire d’aller encore plus loin avec cette bande son aux contours obsessionnels.