Un lieu inconnu. Temps indéfini. Sur ce qui semble être la Terre, et les vestiges d’une humanité disparue. Les derniers hommes. Le dernier homme.
Mais ce dernier homme en est-il vraiment un ? Il a été fabriqué. Il sait qu’il n’est pas né de la rencontre d’un ovule et d’un spermatozoïde. Il a en lui plusieurs personnalités, qui toutes lui parlent et prennent parfois le contrôle, sans qu’il s’en rappelle forcément. La schizophrénie totale.
« J’œuvre contre moi-même. Certaines parties en moi sont prêtes à me trahir et je n’ai plus sur elles aucun contrôle évident, surtout si je m’endors. »
– Brian Evenson
Dans L’antre, cette chose réfléchit et nous parle. De notre humanité, de notre futur, de notre disparition.
Dès les premières lignes, le narrateur, cet homme-chose fabriqué à partir d’on ne sait quoi, nous dit qu’il vient d’avoir la toute dernière conversation que l’humanité. Il est voué à disparaître et celui à qui il a parlé est déjà sorti de l’antre, là où se trouve le danger.
Les références à la science fiction sont nombreuses ici. La voix du terminal, l’espèce d’ordinateur central de l’antre qui gère plus ou moins tout, rappelle forcément Hal de 2001. Alien peut-être aussi dont l’auteur Brian Evenson a écrit une version personnelle. L’enfermement, la solitude. Les questions que se pose X, le narrateur. Sur sa survie, la survie de son espèce -mais de quelle espèce est-il ?- sur les « gens » qui l’ont précédé, sur ses ressentis.
C’est totalement et complètement bouleversant.
« C’est étrange.
je dois quand même bien savoir qui je suis ? »
– Brian Evenson
Brian Evenson, à travers L’Antre, nous amène vers des questions existentielles, de celles que chacun d’entre nous pourrait voir surgir à tout moment.
« Et nous ferons quoi, lorsque nous aurons atteint la fin de notre alphabet ? Irons-nous au-delà, inventerons-nous de nouvelles lettres, de nouveaux systèmes de désignation, pour distinguer ceux qui nous succèdent ? ou en un cercle vicieux reviendrons-nous au début pour tout recommencer ? »
– Brian Evenson
Y met-il son histoire personnelle ? Élevé dans une famille mormone, Evenson a été sommé de choisir entre son œuvre et sa communauté. Que garde-t-il de tout cela ? Peut-être ses livres donnent-ils des réponses cachés et alors L’Antre serait l’allégorie de l’église mormone ?
Avec petit roman ou cette longue nouvelle (une centaine de pages), publié en 2016 et traduite aujourd’hui en français par Stéphane Vanderhaeghe et édité par Quidam, nous retrouvons donc Brian Evenson (qui avait honteusement disparu du paysage littéraire français depuis plusieurs années). Pour ceux qui ne l’ont jamais lu, l’expérience peut s’avérer, disons, troublante.
À noter pour les curieux qu’un autre ouvrage de cet auteur, Immobilité est paru ce mois-ci chez Rivages.