Protomartyr
Formal Growth In The Desert
Domino
2 Juin 2023
Tout commence avec les grands espaces, dans une sorte de téléportation futuriste d’un univers où le grand Ennio Morricone aurait pu être chaleureusement convié. Subitement, les guitares s’énervent avec, en prime, l’impression de palper cette rocaille desséchée grâce à quelques gouttes de sueur. Nous sommes sous le cagnard du Texas et Protomartyr nous fait la visite de son propre désert, celui d’une terre aride, métaphore du vide émotionnel subit. La pochette du disque en est le miroir intrigant, entre fascination résignée (imaginée en noir et blanc) et vive angoisse masquée. Si les fureurs en mode binaire et tranchantes demeurent l’ADN du groupe de Détroit, les aspérités rugueuses ne ressemblent plus vraiment aux premières pétarades diffusées il y a maintenant un peu plus de dix ans. Les incisions pénètrent la chaire comme la marque d’une blessure rougissant d’intimes sentiments.
Et la vie après tout ça ? C’est l’existentielle question centrale de Formal Growth In The Desert, album qui s’anime au cœur d’un bloc cohérent, sans véritable reflet d’un désir de séduire, sinon d’exposer la radiographie d’une Amérique qui s’enlise… comme le reste du monde. Protomartyr traverse la douleur en s’armant de mille fracas. Quoi de plus logique que de combattre le mal par le mal ! A défaut d’une évidence absolue (du moins aux premières écoutes du recueil), il s’y trame un contraste certain, nourri d’amertume en bouche, de mises en suspension comme de grincements quasi larmoyants. Pour se faire, Joe Casey a revêtu le costume de l’homme capable de rugir au gré des secousses sismiques tout en étant fondé progressivement à dissiper sa rage, même si la noirceur a imprégné totalement la matière, jusqu’aux derniers souffles, les dernières souillures après la pluie, sans parler de l’impression d’avoir usé de la dernière note d’espoir. En ressortir finalement grandi est hautement considérable !