Dans le contexte actuel de tension continue, se débrancher de tous les canaux ayant une emprise sur nos vies, permet de se familiariser avec quelque chose d’inhabituel, de refermer une boîte de Pandore pour ouvrir, dans l’invisible, une trappe vers l’inconnu. C’est aussi approcher le silence dans toute sa beauté, le monde dans toutes ses dimensions, sentir l’étreinte originelle avec Dame nature. Vous ai-je parlé de Sol Hess ? Après avoir délaissé ses guitares électriques pour privilégier dans ce deuxième disque folk, une musique naturaliste, faite de bruits de fonds et de prises sonores intimistes, il s’adjoint une musique évocatrice de rêves, la captation de phénomènes furtifs.
«Le temps file, cours, cours pour le rattraper ! ». A cette injonction, nul n’est censé pouvoir remonter dans le temps, mais la musique permet de nous replonger dans le passé ou d’entrevoir ce que l’inconscient nous renvoie en flashs fulgurants. City Ghosts illustre l’anonymat des villes, où chaque individu est invisible, noyé dans la foule. La ville nous rend triste, nous ne voyons plus le côté organique de la nature.
Sol Hess nous encourage à nous barricader en dehors des jouissances matérielles et à fuir la sanctification de la rentabilité. Justement, on peut se satisfaire de ce que l’on ne possède pas et Waiting For The Cricket Choir est loin d’exprimer une certaine naïveté, au contraire, dans un condensé de 8 titres tous emplis de cette même douceur, on comprend aisément les intentions de son auteur. The Night Never Feels Right When I’m Away qui ouvre l’album, est un poème dont chaque mot, chaque syllabe constitue un pas en avant sur un chemin qui mène hors des murs, hors de la cité. Chaque chanson est aussi le passage d’une saison à une autre, d’un souvenir au présent. Habillé d’une réverbération et d’une étonnante utilisation de l’acoustique, This Sorrowful Tune se pare minutieusement de petits détails où la guitare devient harpe, drone. Et le chant telle une litanie au travers de mots tels que «The Darkness is real» matérialise ce qui nous échappe.
Ce second disque en solitaire est salutaire, on s’y recueille pour se purifier et y respirer la lumière. Rien de tel avec l’arrivée du printemps.
Sol Hess – Waiting For The Cricket Choir
Platinum – 01 Mars 2024