Bowie revenait.
Je me souviens que je n’étais plus inquiet pour lui comme je le fus avant la sortie de The Next Day, sorti en 2013 après dix ans de silence et de rumeurs funestes. J’ai découvert le single presque sereinement. Et il était magnifique. Mais quand on l’écoutait, à côté d’une créativité spectaculairement retrouvée, un style revivifié aux accents free jazz, il y avait la mort. En vérité, les paroles me firent froid dans le dos.
Il suffisait d’écouter. Il savait. Il le disait. Et confusément, on savait aussi.
Je n’ai jamais pu écrire sur « Blackstar« , sur ces sombres chœurs inauguraux, l’envoûtement des ténèbres et la batterie qui s’affole, des éclats, des battements de cœurs irréguliers, la voix dans un souffle mêlé aigu et grave, les violons de mauvais augure et les saxophones inquiets, épileptiques.
Tout suintait la hantise et l’oraison funèbre. Le clip montrait une terre lunaire désolée, un cosmonaute devenu squelette. La mélopée s’affirmait, lancinante et pleine d’appréhension, possédée par la frayeur qui doit vous étreindre à la fin. Hésitante.
Puis survient une illumination étrange, sacrée, quelque chose qui arrive le jour où il meurt et où il redevient une étoile noire annoncé par un orgue céleste et des arpèges de guitares purs, un rythme insouciant, léger, et la voix de Bowie qui s’affirme telle qu’elle a toujours été dans l’un de ces crescendos qu’il savait orchestrer comme personne, un apaisement déchirant, quand un air pop et ses chœurs « I’m a blackstar« , finissent par vous émouvoir aussi fort qu’un opéra. On songe à « Heroes« . Et on frissonne, devant cette élégance face à la mort et les derniers moments. Il les regarde en face, avec la classe qui a toujours été la sienne.
Avec ce single et l’album qui le suivit quelques semaines plus tard, il nous adressait son adieu pudique et bouleversant.
Il devint pour l’éternité cette étoile noire.
Il paracheva son œuvre avec superbe et dignité.