[dropcap]U[/dropcap]ne petite robe noire pour le corps, un trait de Chanel N° 5 pour la peau et So Tonight That I Might See pour les oreilles.
Devenu un classique au fil des ans avec son tube Fade Into You en ouverture, voire un disque culte pour certains, l’album dream pop du groupe Mazzy Star continue de charmer son auditoire, néophyte ou fidèle depuis la première heure. Le temps semble n’avoir aucune prise sur lui, a contrario des sons grunge ou lo-fi qui marquèrent durablement les années 90.
Les raisons de cette réussite ? Indéniablement, l’alchimie parfaite entre la voix envoûtante de Hope Sandoval, tour à tour sensuelle ou mutine et les nappes de guitare très velvetiennes de David Roback. Cousins californiens des Galaxie 500, Mazzy Star se démarque pourtant du slowcore du groupe de Boston avec un panel d’ambiances et de sons plus contrastés et étoffés.
Le duo flirte ainsi avec le gothique sur Mary Of Silence, s’acoquine avec le blues sur Wasted ou part dans les contrées de la folk sur la très épurée Into Dust ou la reprise heureuse (si je puis dire) d’Arthur Lee, Five String Of Serenade, avec ses très beaux arrangements de cordes.
Les dix titres de So Tonight That I Might See forment pourtant un ensemble cohérent, comme une réponse parfaite à ces quelques mots de Charles Baudelaire : La mélancolie est l’illustre compagnon de la beauté, elle l’est si bien que je ne peux concevoir aucune beauté qui ne porte en elle sa tristesse. L’album nous plonge dans une rêverie mélancolique au clair de lune, comme un avant-goût de la pochette de leur album suivant, Among My Swan. Noire mais pas suicidaire, triste mais pas désespérée. Bercé par la voix caressante et fragile de Sandoval, on ressort de son écoute, cotonneux mais bienheureux.
So Tonight That I Might See s’écoute aussi bien avec une tasse de thé ou quelques bulles de champagne, seul.e au fond d’un bain brûlant ou lové.e dans les bras de son amant.e. C’est sans doute pour cela qu’il continuera à nous accompagner éternellement.