[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#c92626″]I[/mks_dropcap]l en a fallu du cran pour oser se risquer au jeu souvent scabreux de la première partie. Qui plus est, l’ouverture en question avait lieu devant un parterre de vieux briscards piaffant d’impatience de retrouver la légende Marquis de Sade. J’avais d’ailleurs eu le plaisir de vous parler longuement de cet évènement au travers d’un live report dithyrambique (à lire ICI).
Sur les planches du Liberté, il y eut d’abord la découverte de Tchewsky & Wood, formation rennaise qui parvint à contredire le redouté syndrome du tremplin casse-gueule. Leur effort était récompensé comme il se doit et parfaitement adapté à l’exigence d’un public défenseur d’un genre enraciné depuis des lustres dans les mémoires grisonnantes. Par la suite, il y eut le festival des Trans Musicales, histoire de poursuivre des gammes destinées à transformer un premier essai intitulé sobrement Chapter One.
Le voici l’objet, sous des formes géométriques éclatées aux couleurs rouges et noires. Cinq titres qui font mouche pour un EP qui vient propulser la machine à remonter le temps dans un présent nourri autant de clichés du passé que de désirs de futur.
Aux manettes, il y a Gaël Desbois (batteur au curriculum vitæ imposant) accompagné par la comédienne Marina Keltchewsky. Le duo des débuts sera rejoint en 2017 par le guitariste Maxime Poubanne afin d’ajouter aux compositions un peu plus d’étoffe, notamment pour le live.
L’originalité du trio réside dans des pulsations décochées avec vigueur et sur lesquelles une voix grave vient inonder l’espace, telle une berceuse en négatif. C’est le cas avec Lion (In a Soviet Zoo) dont l’électro gonflée de battements saccadés revêt un caractère progressif des plus efficaces. Une sorte de réminiscence des compositions d’Anne Clark, figure mythique de la new wave germanique.
La tension ne retombe pas avec les chuchotements félins d’Amazon, titre dont la noirceur abrasive met l’accent sur une omniprésence de rythmes confondant le choc des machines avec des percussions bien plus tribales. Une ligne de conduite parfaite pour mettre en exergue les reliefs vocaux.
Écoute après écoute, c’est la singularité d’un timbre qui se détache de multiples sursauts qui m’aura le plus frappé. Il s’agit d’un chant déchirant, à la limite de la psalmodie. Les origines russes de Marina Keltchewsky viennent renforcer sans aucun doute cet aspect rugueux et direct. L’expérience de l’intéressée avec le monde du théâtre ajoutant à l’hyperbole déclamatoire. Il faut avouer que le rendu pour l’oreille est remarquable et je ne peux effacer de mon esprit un certain parallélisme avec la consœur Camille Berthomier A.K.A Jehnny Beth, elle-même influencée par une kyrielle de prêtresses post-punk dont je vais vous épargner cette fois-ci la liste.
Pour autant, Tchewsky & Wood évite avec ce premier chapitre l’écueil de la décalcomanie sombre et poussiéreuse en insufflant une certaine application dans l’art de faire bouger les têtes. L’illustration est parfaite avec Love, She Said dont le récit étrange s’encanaille d’effets répétitifs laissant entrevoir la porte d’une chambre noire où la folie serait reine.
Autant vous dire que cette autoproduction envoie du bois !
Sortie nationale le 26 Janvier 2018.
Bandcamp – Facebook – Martingale
Remerciements : Jean-Philippe Béraud