[dropcap]A[/dropcap]lors que la scène musicale anglaise ne nous avait pas paru aussi excitante depuis très, très longtemps, la frustration liée à cette saleté de pandémie et donc l’absence de concerts ne cesse d’augmenter au fur et à mesure des sorties de jeunes groupes plus excellents les uns que les autres et qu’on rêve de voir ou revoir sur scène.
Après Black Country New Road et en attendant le retour de Black Midi ou la découverte de The Lounge Society, c’est au tour de Squid de franchir le palier du premier album avec Bright Green Field, superbe confirmation du talent de ces cinq jeunes originaires de Brighton.
Comme toute cette jolie clique, c’est au détour d’une visite sur le site du très bouillonnant label londonien Speedy Wunderground que l’on découvrit l’impressionnant chanteur-batteur Oliver Judge aka Twin Empire entouré d’Anton Pearson (guitares), Arthur Leadbetter (synthés, violoncelle), Louis Borlase (guitare, basse) et Laurie Nankivell (basse, synthés et cornet).
En effet, après quelques singles et EP parus entre 2015 et 2017 tels LINO sur leur bandcamp, ils se font fortement remarquer chez le label de Dan Carey avec la sortie de trois singles et le fabuleux EP Town Centre en 2019, affolant la toile plus que de raison.
A l’instar de Black Midi New Road signé chez Ninja Tune, Squid nous fait la surprise de s’acoquiner ensuite avec le très select label Warp Records, plus habitué à verser dans l’électro que dans le post-punk ou le krautrock, même si la capacité des cinq à s’affranchir de tous styles et étiquettes se marie parfaitement avec l’exigence de la maison d’Autechre ou Aphex Twin.
Si Squid a continué de distiller d’épatants singles mois après mois, il fait ici table rase du passé en offrant onze nouvelles chansons inédites, triturant post-punk et jazz, expérimentation et indie rock, bourrées de cordes et de cors. A l’inverse, il s’inscrit dans cette nouvelle famille anglaise en confiant la production à Dan Carey et en invitant entre autres le saxophoniste Lewis Evans de Black Midi New Road à donner un souffle épique à Boy Racers, Documentary Filmaker, The Flyover et le magnifique morceau final Pamphlets, conclusion parfaite pour un très grand disque.
Comme tout bon premier disque, Bright Green Field déborde d’envie et d’ambition. A l’image de leurs clips et de leur site, Squid avance fier et conquérant, affichant clairement son rejeton musical comme la somme de ses cinq personnalités et déborde en tout sens, à l’instar de ces longs titres aussi torturés que fluides, dépassant allègrement les huit minutes pour certains.
Dès la courte introduction Resolution Square, on plonge avec délice dans cet album foisonnant au risque de s’y perdre rapidement, les changements de rythme et de style y sont permanents, passant de G.S.K., espèce de funk squelettique à Narrator, explosif post-punk qui marche bravement sur les plates-bandes de Talking Heads, porté par le chant scandé d’Ollie Judge, ici accompagné de la douce et mystérieuse voix de Martha Skye Murphy.
Boy Racers semble plus abordable et immédiate mais c’est bien mal connaître nos joyeux gaillards qui la détournent rapidement en une hypnotique odyssée synthétique, au mépris de toute convention. Comme Black Midi, Squid n’a que faire des us et coutumes de la sphère musicale indé et ne se pose aucune question au moment de confronter le post punk abrasif et direct de Paddling avec le torturé saxophone de Documentary Filmmaker. L’enchaînement Peel St./Global Groove confirme le sentiment de sortir du tambour d’une infernale machine à laver pour être accroché à un fil à linge, secoué doucement par des vents contraires, en attendant la tempête qui s’annonce au loin.
Le titre de l’album est trompeur : au lieu des longues étendues vertes attendues, ce sont les rues tortueuses d’une ville futuriste ou imaginaire qui s’offrent à nous. Les arpenter pour sortir de cet impressionnant labyrinthe nécessite concentration et multiples détours mais la lumière se fera à l’issue pour les plus courageux qui finiront gambadant comme des lapins fous sur l’extatique Pamphlets… des lapins fous courant après des calamars, voilà ce qui vous attend à l’écoute de Bright Green Field !
Squid nous colle une sacrée claque avec ce premier disque. Vivement les concerts, vivement !
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Bright Green Field– Squid
Warp Records– 07 mai 2021
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Image bandeau : Holly Whitaker