[mks_dropcap style= »letter » size= »83″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]e n’est pas un scoop mais le développement d’internet a méchamment modifié notre approche de la musique. Des réseaux sociaux aux sites de téléchargement, on peut dorénavant avoir accès à n’importe quelle chanson faite par n’importe qui ou presque. Pour les musicophages de mon genre, Bandcamp est le Graal ultime, des heures de recherche pour découvrir (ou pas) le petit génie à venir, quitte à perdre le plaisir de mettre enfin la main après des mois de recherche sur la galette qu’on attendait comme le messie des mois et des mois.
Ainsi, alors que Car Seat Headrest nous propose Teens Of Denial, son véritable premier album, on a l’impression de retrouver un vieux copain tant on surveille le jeune homme avec un vif intérêt depuis quelques années déjà.
[mks_dropcap style= »letter » size= »83″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]a découverte de Will Toledo me ramène quelques 20 ans plus tôt lorsque le Loser de Beck me tomba sur le coin de la tronche et m’obligea toute séance tenante à m’embarquer sur la trace erratique du petit génie californien et ses albums introuvables de folk déjanté et de rock rachitique. L’histoire pourrait se répéter, tant les bonshommes ont quelques points communs à commencer par un talent certain pour torcher une bonne chanson sans avoir l’air d’y toucher.
La grande différence, c’est que le petit Will, et bien, ça fait quelques temps que je m’y intéresse grâce à son bandcamp gavé ras la gueule de chansonnettes géniales et tordues, pas besoin de courir par monts et par vaux pour chopper ses disques, tout est à portée de main.
Will Toledo est né Will Barnes, en 1992 à Leesburg, une petite ville de Virginie. Il est tout seul, à peine 18 ans à se lancer dans l’aventure Car Seat Headrest, ainsi appelée car il enregistrait ses vocaux assis à l’arrière de sa voiture !
1, 2, 3, 4, on est en été 2010, le gamin à lunettes nous balance 50 chansons en quatre albums. le rythme depuis lors est toujours aussi soutenu, on doit en être une bonne douzaine jusqu’à aujourd’hui. On vous conseillera fortement entre autres son Twin Fantasy ou son Nervous Young Man, parfaits manuels de rock lo-fi.
L’année dernière, il signe avec Matador et sort dans la foulée Teens Of Style, superbe compilation qui pioche dans ses œuvres précédentes. Installé dorénavant à Seattle, il est donc sorti de sa voiture, a transformé Car Seat Headrest en véritable groupe en s’entourant de Ethan Ives, Andrew Katz et Seth Dalby et fait appel à Steve Fisk (Damien Jurado, Low, Nirvana…) pour produire son Teens Of Denial.
[mks_dropcap style= »letter » size= »83″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]omme on est jeune, on se moque des règles et du qu’en-dira-t-on. Alors que le retour du vinyle a ramené la durée d’un disque à 40 minutes, Car Seat Headrest nous balance 12 titres en 70 minutes, avec un sommet de 11 minutes sur l’incroyable The Ballad Of The Costa Concordia.
Sur le papier, ça a l’air casse gueule, ça pourrait couler à pic, mais même pas, Will et ses amis balayent tout sur leur passage, enfoncent en 3 notes la concurrence, envoie enfin Weezer couler des jours heureux à la maison de retraite, fait pleurer de rage Deerhunter et rend jaloux les pourtant très doués Parquet Courts et Cloud Nothings. Car Seat Headrest taquine Pavement et Jonathan Richman, s’inspire de The Cars (Just What I Needed/Not Just What I Needed), ce qui d’ailleurs malheureusement semble grave défriser le pauvre Ric Ocasek mais aussi Dido sur The Ballad Of The Costa Concordia et confronte Air Jordan et la bible, désespoir existentiel et bière.
[mks_dropcap style= »letter » size= »83″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]T[/mks_dropcap]outes guitares en avant, Fill In The Blank et Vincent ouvrent le bal de manière imparable, la quintessence de la très, très bonne chanson indé, comme Pavement savait si bien nous offrir. On balance l’intro qui fait mouche, on sort la mélodie qui va bien, on rajoute une couche de paroles bien torchées (I’M So bSick Of…Fill The Blank ou encore You’ve got no right to be depressed, You haven’t tried hard enough to like it ) et on sait déjà qu’on tient là un des meilleurs disques de l’année.
Destroyed By Hippie Powers rappelle le meilleur Weezer, (Joe Gets Kicked Out Of School For Using) Drugs With Friends (But Says This Isn’t A Problem) ralentit le tempo pour une ballade Anti-Folk tordue à la Jeffrey Lewis.
Drunk Drivers Killer Whales est juste superbe, une très grande chanson tout simplement, refrain accrocheur, mélodie enflammée, une véritable tuerie, la suite n’est pas mal non plus jusqu’au délirant et fascinant The Ballad Of The Costa Concordia, l’enflammé 1937 State Park, l’épique Unforgiving Girl, le poignant Cosmic Hero etc, etc…
Au cas improbable où on aurait voulu ressusciter un rock indé moribond, ne cherchez pas plus loin, Car Seat Headrest a juste la bonne tête de sauveur. On dira tout simplement qu’avec sa vingtaine d’années et sa tronche de sage étudiant, Will Toledo nous offre déjà là quelque unes des meilleures chansons de l’année voire plus, j’en mettrais ma main au feu.
Comme je le disais précédemment, le refus de Ric Ocasek de voir son Just What I Needed plonge Car Seat Headrest et Matador dans une profonde galère, car les obligeant à retirer le titre en question à la dernière minute, envoyant au pilon les albums déjà pressés. Teens Of Denial sortira physiquement cet été mais est disponible depuis le 20 mai en version digitale.