La dernière fois qu’Addict Culture avait interviewé le danois Casper Iskov, c’était au printemps 2021, pendant la pandémie de Covid et alors que venait de sortir le 1er EP de son groupe Ethics, Kiss Forever. En marge d’Ethics, le multi-instrumentiste hyper talentueux Casper Iskov a récemment publié ses propres chansons. Huit chansons anciennes dont certaines remontent à 2015. Envisagées au départ comme une série de singles (une face A, une face B), il a finalement décidé d’en faire une session live. Les titres ont été enregistrés et filmés par son amie Rosanna Pang, les uns à la suite des autres et en une seule prise, en commençant par la batterie, puis en répétant le même processus avec la basse, puis avec la guitare et en terminant avec les voix; le tout en conservant les défauts et accidents éventuels pour garantir un son « live ». Ces chansons reflètent des influences disparates. La basse sur la très catchy Face rappelle l’intro de Leave them all behind de Ride. Poems Like Her, une superbe chanson pop légèrement teintée de shoegaze s’enchaîne avec une ballade, House without a home, alors que Seven Lawyers Smiling At Andy tend vers un rock à tendance grungy. La session se termine avec la bouleversante Father dans laquelle le chanteur évoque son père disparu alors qu’il avait 19 ans. C’est toujours un plaisir d’échanger avec l’énigmatique Casper Iskov, en tentant de percer ce qui reste pour moi un mystère : pourquoi un musicien aussi doué, sensible et intelligent reste-t-il méconnu du (grand) public ?
Addict : Quelle est l’histoire de ces huit chansons et comment t’est venu l’idée d’en faire une session live ?
Casper Iskov : Ces huit chansons portent sur des sujets très personnels. Elles sont issues d’une collection de vieilles chansons dont certaines remontent à 2015, mais j’ai pensé qu’elles avaient un certain potentiel, quelque chose d’accrocheur. Rosanna (NDLR : Rosanna Pang qui a filmé la session) et moi avons discuté de l’idée de cette session live, et nous nous sommes demandé si elle devait se jouer en groupe. Mais nous sommes arrivés à la conclusion que ce serait bien plus intéressant que je la fasse entièrement seul. Je pense que c’est plus intéressant que des vidéos classiques… que 200 personnes vont regarder pour aussitôt retourner à leurs activités quotidiennes.
Addict : Le fait d’avoir joué cette session live entièrement seul signifie-t-il que tu es plus à l’aise en solo qu’en groupe ?
Casper Iskov : C’est difficile à dire. Je pense définitivement que cela apporte une certaine force de jouer avec un groupe et je me sens beaucoup plus soutenu quand je joue avec d’autres personnes. J’ai pensé que jouer une session live en solo serait une expérience plus intense. Mais en même temps, c’était comme une session d’enregistrement. Je n’ai pas fait attention aux caméras, je me suis en quelque sorte replié sur moi-même pour jouer ma musique.
Addict : « Didn’t mean that much to me as you slapped me in the face » (Face). »I hate my sober side » (Seven Layers Smiling At Andy). « You love this gift I’ve bought you, There’s nothing Inside » (Almost Likeable). Ces paroles évoquent un personnage un peu indifférent au monde, un peu désabusé.
Casper Iskov : Ces chansons parlent d’une ex petite amie qui était chère à mon cœur. Mais être proche d’une personne de manière exclusive est aussi la porte ouverte à de nombreuses situations qui deviennent facilement discutables. Ces chansons parlent aussi des personnes qui ne réfléchissent pas avant d’agir, et en même temps, du fait d’éprouver très peu de pitié pour soi-même. C’est assez pathétique mais c’est la vérité, n’est-ce pas ?
Addict : Ta musique est difficile à classer. Elle oscille entre une pop « mainstream » et l’indiepop (britpop, shoegaze). Penses tu que cela te maintienne un peu en marge du système, de la signature avec un label par exemple ?
Les musiciens ont toujours du mal à être reconnus quand ils essaient de mélanger des genres différents, mais ils finissent par convaincre tout le monde
Casper Iskov
Casper Iskov : Oui, certainement. Et je déteste ça. Chaque fois que je reçois une réponse, que ce soit de la part d’un label ou d’une playlist, on me dit toujours qu’on ne sait pas où me mettre car ma musique balance entre le rock et la pop. C’est trop rock pour les popeux, c’est trop pop pour les amateurs de rock. Pourtant, ironiquement, c’est l’essence même de la musique. J’ai envie de faire de la musique sur laquelle on pourrait bouger tous ensemble, quelque chose qui nous réunisse. Une musique qui pioche le meilleur dans tous les genres pour les combiner et en faire quelque chose de nouveau. J’ai grandi en regardant des tonnes de documentaires musicaux qui racontaient comment des artistes, à travers l’histoire, ont toujours eu du mal à être reconnus quand ils essayaient de mélanger des genres différents, mais finissaient par convaincre tout le monde. On peut toujours rêver.
Addict : Dans un monde idéal, où vivrais-tu et à quoi ressemblerait ta vie de musicien ?
Casper Iskov : Je vivrais quelque part dans le sud, j’aurais un teint plus bronzé, j’aurais un home studio, je serais en tournée la plupart du temps, les gens liraient les paroles de mes chansons et s’identifieraient à elles, je vendrais tout un tas de disques et de streams, je n’aurais pas besoin de compter le moindre centime à la fin du mois.
Addict : Où en es-tu avec ton groupe Ethics ?
Casper Iskov : Ethics vient de travailler sur un album long format pendant ces deux dernières années et demi. Maintenant que c’est fini, on va le proposer à des labels. Ça va être excitant !
Casper Iskov · Live session 2024
24 avril 2024