[mks_dropcap style= »letter » size= »83″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]lors que les têtes de gondole se démènent pour trouver des idées toujours plus ridicules pour faire parler d’eux avant la sortie d’un album, jouissant ainsi d’une promotion totalement inutile puisqu’ils sont assurés, par avance, de vendre leur nouvelle production par camions, d’autres tentent de survivre et de bénéficier d’un minimum de lisibilité.
En France, comme partout me direz-vous, exister dans l’industrie musicale tient du parcours du combattant, et pourtant, certains résistent. Charlie Plane a sorti un EP tout à fait épatant. Certains sauront nous dire que tout cela ne révolutionne rien, mais est-on obligé de toujours remettre à plat l’histoire de la musique pour avoir la légitimité de faire de la musique ?
Listons d’entrée de jeu, pour attirer l’attention, ceux que l’on peut croiser sur ce disque. Et bien, je dirais, Charlie Plane avant tout. Mais aussi une Shannon Wright s’accoquinant avec Laëtitia Sheriff. Le véritable talent de Charlie Plane, dès Endless Night qui ouvre le bal, c’est de poser les bases, l’ambiance et les tessitures. La voix d’abord, émotionnellement soutenue, de celles qui vous touchent en plein cœur. Ensuite, les arrangements et les ossatures se partagent les couleurs entre l’économie, et les envolées lyriques qui flirtent avec les cieux sans pour autant sombrer dans la surenchère. Les cordes soutiennent, mais n’encombrent jamais.
Charlie Plane dispose d’une qualité rare, elle parvient à mêler l’émotion pure aux mélodies limpides et la tension vous tient en haleine en permanence. Daylight et son piano vous accrochent à vos kleenex, mais le refrain, lui, tambourine gentiment, pour ne pas vous bousculer mais porter les âmes esseulées qui pensent ne jamais trouver l’épaule du réconfort.
Certes, les esprits chagrins regretteront une production parfois trop étoffée, mais jamais elle ne prend le pas sur les chansons, toutes impeccables et suffisamment originales pour vous faire saisir que la lo-fi ne va pas à tout le monde. Et puis rien à faire, cette fameuse voix, écorchée à coups d’émotions, sans trop en faire et sans oublier de se mettre au service des chansons parfaitement composées qui vous harponnent. Une voix tremblotante, fragile, soulignant les thèmes originaux qu’on ne se croise plus si souvent à l’heure où les vocalistes courent après la performance. Même lorsque Charlie Plane ne s’accompagne que de sa guitare ou presque, elle occupe l’espace et touche la grâce à plusieurs reprises. Sur scène, elle se retrouve aux côtés d’un batteur/bassiste qui parvient à faire les deux en même temps. C’est assez épatant à voir et s’il est évident que les parties techniques ne sont pas d’une complexité sans borne, cela reste une performance en soit.
Après une douceur au piano, le disque prend une ampleur inattendue en dernier recours, ajoutant encore une tension à fleur de peau, qui là encore n’est pas sans m’évoquer Shannon Wright. La tension monte peu à peu, jusqu’à déborder, avec mesure, certes, car Charlie Plane n’oublie jamais de vous proposer son épaule pour vous épancher. La modestie et la discrétion mériteraient parfois d’être saluées comme un bienfait pour les âmes, car cela apporte souvent des disques discrets mais touchants. Celui de Charlie Plane en fait indéniablement partie.
Charlie Plane, Way Out, chez Bam Balam Records