Le saviez-vous ?
Il existe une ville se nommant Pekin aux États-Unis. Dingue, non ?
Encore plus dingue maintenant : il existe aussi, issu de cette ville, un gars, un Pékinois donc, Joseph O’ Connell, qui fait du Folk/Slowcore/Lo-Fi sous le patronyme d’Elephant Micah.
– Elephant quoi ???????
– Elephant Micah.
– C’est quoi ? De la musique pachydermique fourbe ???
– …
Ce qui est encore plus dingue que dingue, c’est que le groupe existe depuis 2001, a sorti son premier album en 2002 et s’apprête à sortir, ce 20 janvier prochain, son premier album pour Westernvinyl, et, accessoirement, sa vingtième publication en comptant les cinq EPs sortis entre 2001 et 2008. Le tout dans un anonymat quasi complet. Car il faut bien l’admettre : jusque là, Elephant Micah restait un des secrets les mieux gardés de ces dernières années. Seuls les adeptes du label Time-Lag Records,spécialisé dans le Folk Psyché et le Free Folk et jusque là principal distributeur d’Elephant Micah, pouvaient avoir accès à sa musique. Donc, à part quelque hippies dégénérés accros aux substances psychotropes, pas grand monde quand on y songe.
Westernvinyl se propose donc de réparer cette anomalie en sortant à plus grande échelle (via Secretly Canadian et Differ-Ant) Where In Our Woods, nouvel album et délicat exercice de Folk/Slowcore de l’Américain. Huit titres boisés, acoustiques, arrangés et enregistrés en quasi solo, juste épaulé par le frangin pour les percussions et le mentor et ami Will Odham pour les harmonies vocales. Huit titres d’une délicate fragilité, d’un minimalisme folk renversant, d’une simplicité émouvante.
L’album se partage entre Slowcore et Folk. Un Slowcore très slow, où, contrairement à des groupes comme Bedhead ou Codeine, toute forme de rage a été bannie, remisée au placard avec l’électricité et un Folk dont le dépouillement rappelle celui du Days In A Wake des Palace Brothers sans toutefois la désespérance, ni l’aspect cachexique du Will Oldham de cette époque. Avec ces quelques éléments, on se dit que Where In The Woods pourrait être un album chétif, malingre, adressé à un public de dépressifs chroniques, voué à un culte déraisonnable chez des monomaniaques un brin secoués du bocal et destiné au final à ressortir dans une bonne vingtaine d’années chez Light In The Attic.
Que nenni.
Le Slowcore proposé par Elephant Micah ne se morfond pas sur sa condition humaine, ne s’apitoie pas, au contraire, il est traversé par une lumière irradiant la plupart des chansons, tenu à bout de bras par un souffle de vie omniprésent. Et ce d’abord grâce au chant de O’Connell, d’une élégante sobriété, évitant toute forme de pathos, insufflant même une certaine sérénité dans ses compositions, et ensuite grâce à un bel équilibre entre chansons dépouillées, sur l’os et morceaux un peu plus arrangés. Tout au long de Where In The Woods, entre exercices contemplatifs et décharnés (Slow Time Vultures), chansons Country/Folk épurées auxquelles s’ajoute la complicité vocale de Will Oldham ( Demise Of The Bible Birds, By The Canal, No Underground), éléments à la limite de l’expérimentation (l’étonnant, tout en fractures Light Side et ses ascensions tensionnelles avortées) et arrangements légers, sobres dans les moments les plus dépouillés (quelques échos, une flûte, un harmonium sur Albino Animals ou Monarch Gardeners), O’Connell semble choisir la vie, délaisser toute obscurité pour privilégier la lumière, l’apaisement, mettre les tensions de côté.
Il en résulte un album doux, délicat, aux couleurs pastel, dans lequel la mélancolie, si elle est encore présente, se meut en un souvenir lointain, cédant la place à un lent retour à la vie placé sous le signe de l’espoir. Un disque superbe, envoûtant et apaisé, compagnon idéal du très beau I Remember Everything de Rivulets sorti il y a quelques mois et augurant une année 2015 se présentant comme exceptionnelle d’un point de vue musical.
Sortie le 20 janvier chez Westernvinyl, disponible ici et chez tous les bons disquaires.
https://youtu.be/SjOs5Zdkyc8