[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]u milieu des années 60, l’amateur de musique française rythmée et de qualité peut trouver son bonheur dans les marges de la vague yéyé finissante. Serge Gainsbourg, Christophe, France Gall, Michel Polnareff, Françoise Hardy ou Jacques Dutronc sont les tenants d’adaptations pas sottes du son anglo-saxon, qu’ils mâtinent de chanson, de bossa, de pop orchestrale ou de jazz selon leur tempérament.
Le jeune Dutronc impose dès son style prolixe, hâbleur et sarcastique en 1966, et cartonne d’entrée de jeu avec Et Moi, Et Moi, Et Moi. On a tout dit du binôme parfait qu’il formait avec son parolier, l’écrivain Jacques Lanzmann. L’alliance entre les textes drôles, mordants et subtilement en prise avec la réalité sociale française de l’époque, les mélodies accrocheuses et la faconde séductrice du chanteur font de ces chansons des instantanés qui captent si bien l’époque tout en restant particulièrement agréables à écouter, encore, en 2018. Un tel nombre de tubes en si peu de temps (Et moi, et moi, et moi donc, Les Play Boys, Mini Mini Mini, On Nous Cache Tout, On Nous Dit Rien, Les Cactus, J’aime Les Filles, L’Opportuniste, Il Est Cinq Heures, Paris S’Eveille, entre 1966 et 1968 !) coupe le souffle.
La fin de cette période florissante s’accompagne d’une volonté de donner une place croissante au jazz et à la mélancolie dans un répertoire jusqu’alors très bondissant. Malgré le succès des morceaux qu’il chante pour la bande originale de la série télévisée Arsène Lupin (Gentleman Cambrioleur et L’Arsène) au début des années 1970, sa période faste sur le plan musicale est derrière lui. Il retrouvera une large diffusion à l’occasion de singles toujours marrants, mais pas toujours aussi subtils qu’auparavant (L’Hymne à l’Amour (Moi l’Noeud) ou Merde In France) lors de la décennie suivante.
Mais son image reste très prégnante dans le grand public, comme cela se vérifie lors de ses tournées. Petit à petit, Jacques Dutronc devient une figure, associée à la prospérité de la France des sixties. Sa corsitude d’adoption, son mariage puis sa séparation avec Françoise Hardy en 1987, la notoriété croissante de leur fils Thomas, avec lequel la similitude vocale est frappante, sa timidité foncière et son look cigare et lunettes noires font de lui une figure atypique mais très identifiée et le font intégrer, au moins symboliquement dans l’inconscient collectif, le panthéon des grands compositeurs interprètes français. Le trio des Vieilles Canailles, qu’il forme avec Johnny et Eddy à partir de novembre 2014, parachève ce phénomène de notabilisation culturelle.
Parallèlement à sa carrière musicale, Dutronc a joué dans 48 films, avec quelques grands réalisateurs français : les trois Claude (Lelouch, Sautet et Chabrol), Jean-Luc Godard ou Michel Deville. Il a obtenu le César du meilleur acteur pour sa performance dans le rôle-titre du Van Gogh de Maurice Pialat (1991). Voilà qui complète une carrière diversifiée et bien remplie !
https://www.youtube.com/watch?v=w0p1nRUNlnM