Le 25 mai 1977 sortait sur les écrans français Le camion de Marguerite Duras. Imaginez donc une séance de cinéma à la fin de la décennie 1970, à peine 9 ans après Mai-68 et son lot de rêves et d’illusions. On voit sur l’écran un camion bleu démarrant sur une place d’un village des Yvelines. Puis la voix de Duras qui déploie « ce qu’aurait été » le film. Parce qu’ici, ce que vous voyez tient plus du non-film où l’histoire est suggérée par le couple Marguerite Duras et Gérard Depardieu. « C’est un film ? » lui demande-t-il. Elle répond « ç’aurait été un film ».
Ce non-film parle pourtant de beaucoup de choses à travers sa sobriété ; ses longs plans séquences du camion bleu dans la périphérie des villes des Yvelines et sa musique de Beethoven, le ton monocorde de Duras et Depardieu et cette lenteur disent beaucoup sur l’époque, sur Marguerite Duras elle-même et la désillusion du politique.
Pourtant on ne peut pas dire que c’est un film plombant. Marguerite Duras le répète à travers les entretiens qu’elle a réalisés autour de ce film, elle n’est pas pessimiste. « Que le monde aille à sa perte » répète le personnage qu’a créé Duras dans ce film. Ce n’est pas une injonction au fatalisme, plutôt une lucidité qui permet de repenser le monde. Et même en revoyant le film aujourd’hui, en 2018, le sourire tendre de Duras disant « que le monde aille à sa perte » est rempli d’un espoir que l’on ne peut oublier.