Après une bonne quinzaine d’années à sévir dans des groupes, Supergrass étant le plus notable, Gaz Coombes revenait avec Here Come the Bombs.
Les premiers mots de cet album, éponymes. Jeu de mots et allitération pour se présenter seul, à nu. Le premier morceau est une note d’intention : Je suis là, j’avance à la vitesse du son, laissant derrière moi ceux qui ont disparu. Je vais de l’avant.
Un album qu’il a entièrement réalisé à deux. Lui et Sam Williams, qui avait déjà produit le premier album de Supergrass, I Should Coco. Celui du succès immédiat précédant la chute progressive de popularité, malgré un soutien critique sans faille. Puis le split. Formation resserrée, il y joue de tous les instruments, à quelques exceptions près, et y chante tout.
Le premier album solo était l’occasion de la mise au point. Autobiographique, amours, drogues et désillusions défilent sur des sonorités qui tranchent avec celles de Supergrass. Moins de rock pur (guitares, basse, batterie), plus d’électro. Rageur ou apaisé. Se laisser emporter par l’envie de danser sur les rythmes endiablés de Break the Silence où il déclare « the higher the climb the harder the fall ». Plus dure a été la chute. 37 minutes tendues ou tendres.
Une poignée d’années plus tard, Gaz revient avec Matador.
Voilà un album plus ouvert aux autres, sans pour autant avoir une liste de musiciens longue comme le bras. Le disque bénéficie de choeurs féminins qui mettent de l’épique dans les chansons. On nous parlera de comédies musicales Disney, je préfère parler de bandes originales. Cet album creuse le même sillon que le précédent, alternant moments apaisés et rock endiablé, sans mettre de côté les sonorités électro. La surprise n’est pas de mise, puisque la rupture avec le passé est consommée. Mais le plaisir est intact. Intense, épique et apaisé, que demander de plus ?
Sur les textes, ouverture aux autres aussi. L’auteur parle moins de « moi » et de « toi », et plus « d’eux » et de « nous », sans pour autant devenir impersonnel. Dans Here Come the Bombs, l’Autre était le seul espoir et Les autres, des fantômes, des rencontres à faire ou des erreurs en devenir. Ici, l’autre est multiple. Les souvenirs, les regrets et la nostalgie imprègnent certaines chansons. La défiance politique. Gaz Coombes a aussi une conscience politique.
L’album s’ouvre sur Buffalo. Il s’agit d’une prière, d’un souhait, d’une demande :
« buffalo, toi le bison, le buffle, ouvre toi, ramène moi chez moi…
je suis un acrobate sur un fil
un appel dans la nuit
un saut gigantesque dans le noir
j’aimerais revenir d’un saut au début
buffalo, ouvre toi, ramène moi chez moi…
toutes mes larmes tombent comme du sable
es-tu le (mon ?) seul espoir ?
(…)
j’essaie de dormir, les étoiles sont mon plafond,
Laisse moi plonger dans tes bras »
Commencer un album nommé Matador par une prière à un bovidé, quelle drôle d’idée ! D’après Wikipedia : « le matador est le personnage central de la corrida. Torero principal et chef de la cuadrilla, c’est lui qui est chargé de mettre à mort le taureau. » Avant une corrida, souvent, les toreros passent à la chapelle de l’arène pour prier. A qui s’adresse cette prière ? Gaz l’adresse au bison, à celui qui devrait être sa victime, qui symbolise son espoir, celui dans lequel il souhaite littéralement plonger. En se présentant comme matador, le chanteur souhaite-il tuer l’espoir ?!
On trouvera la réponse dans la dernière chanson du disque, éponyme :
« quand tout s’effondre dans l’avalanche,
le destin du héros se joue devant la foule
ils veulent du sang
ils veulent ton coeur et ton âme
mais le combat le plus difficile est celui qui se mène seul
alors tiens bon
je n’arrêterai pas
j’ai ces rêves
je suis sous la chute d’eau
je prendrai toutes les douleurs et toutes les cicatrices de la guerre
car j’affronterai la bête
et je combattrai, comme un matador. »
Le matador est donc ici le symbole du combat, de celui qui fait face à ses démons, malgré l’adversité de la foule. Ici, l’ennemi n’est pas celui qu’on croit. Il s’agit d’affronter une masse anonyme avide et sanguinaire et non d’attaquer une bête innocente qui en fait symbolise l’espoir.
Matador s’achève sur le titre de l’album. Les première paroles de Here Come the Bombs étaient justement le titre de l’album. Une boucle se boucle.
Le premier disque solo de Gaz Coombes avait une pochette anonyme et colorée. La couverture du second est un portrait du chanteur, dans un noir et blanc contrasté. L’air ébahi, illuminé, surpris. L’humour a toujours fait partie de son univers. Si les visuels opposent les deux oeuvres, les sonorités sont similaires. Les textes, tout aussi personnels.
Peut-être le visuel de ce nouvel album veut-il symboliser la surprise de l’auditeur en découvrant de quoi l’ancien trublion est capable. De puissance, mais aussi, et surtout, de sensibilité, qui s’expriment dans un diptyque incontournable.
A découvrir absolument.
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