[dropcap]L[/dropcap]es gratitudes de Delphine De Vigan m’a été offert un vendredi. D’ordinaire je lis vite. J’avais déjà imaginé mon dimanche matin, calée avec un thé et ce petit livre d’à peine 180 pages. Finalement il m’a fallu 5 jours pour le lire. L’histoire de Michka m’a émue au point de devoir poser le livre, pour inspirer, revenir à moi-même, réfléchir sur l’émotion envahissante et laisser passer la vague. Parfois, je pouvais enchaîner plusieurs courts chapitres, souvent je posais le livre après trois pages. Ce récit m’a touchée, profondément.
Ce livre m’était destiné. Le mardi, un ami s’étonnait que je ne l’ai pas encore lu. Le vendredi, une autre amie me l’offrait. Merci la vie. Destiné, car je suis travailleuse sociale, accompagnant les personnes âgées et les aidants familiaux.
Delphine De Vigan nous mène auprès de Michka, vieille dame vivant désormais en maison de retraite. Son quotidien est ponctué par les habitudes de ces lieux de vie : les horaires imposés, les repas, le ménage de sa chambre, le poids des autres résidents. Ses semaines sont éclairées par les visites de Marie et de Jérôme, l’orthophoniste. Car Michka perd les mots, ses mots. Elle devient aphasique. Vous rappelez-vous de ce film Se souvenir des belles choses avec Isabelle Carré et Bernard Campan ? L’héroïne elle aussi oublie, ne sait plus nommer les choses. La douce Isabelle Carré nous avait permis de saisir l’essentiel du lien à l’autre : comment dialoguer et vivre avec nos autres, sans pouvoir exprimer son besoin, ses peurs, ses envies ? Delphine De Vigan nous mène à Michka, tout près, si près qu’on la voit, qu’on la touche et qu’elle nous touche en plein cœur. Michka, c’est moi, c’est vous, demain.
Dans le récit de Delphine de Vigan, Michka est accompagnée par Marie qu’on devine être son auxiliaire de vie. On apprendra au cours du récit leur lien, dévoilant ainsi le passé de Michka. Leur relation est empreinte d’un respect mutuel profond, une affection venue de l’affliction.
Ce récit contient de nombreux dialogues. Alors même que Michka perd ses mots, l’auteure a cette finesse de nous inclure dans la perte des mots, la déliquescence de la vieillesse, par les échanges entre les protagonistes :
Elle observe avec curiosité le matériel que je sors de mon sac.
– Ah, c’est pour … les… mètres… les lettres.
– Très bien, mais encore…
– C’est un …floc.
– Un bloc, oui, qui sert pour …
– Pour écrire une lettre.
– Expliquez moi comment on fait.
– On prend un… et puis on ouvre le …(elle mime un stylo qu’elle débouche) et voilà.
Auteur
Les gratitudes est une leçon : apprendre à vieillir pour mieux vivre le présent. La gratitude fait partie des principes de la psychologie positive, où il est proposé de rédiger une lettre de gratitude à une personne ayant marqué notre vie, nommer les mercis dédiés à cette personne qui nous a permis de grandir. L’exercice permet de poser ses émotions, à soi-même et à l’autre, en lisant cette lettre à la personne, en face à face, apportant alors un flot d’émotions positives partagées. Car dire merci renforce l’autre comme soi-même. Il faut faire l’exercice pour se rendre compte de son impact.
Delphine De Vigan parle juste, quand elle nous décrit avec des mots simples, mais percutants ce qu’est la vieillesse :
Vieillir, c’est apprendre à perdre. Encaisser chaque semaine ou presque, un nouveau déficit, une nouvelle altération, un nouveau dommage. Et plus rien ne figure dans la colonne des profits.
Une leçon de sagesse quand Delphine De Vigan nous propose de vivre avec ce qui est présent :
Perdre ce qui vous a été donné. Se réajuster. Se réorganiser. Faire sans. Passer outre. N’avoir plus rien à perdre
Merci à Delphine De Vigan pour Les gratitudes, ce livre à lire et à offrir.
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Les gratitudes de Delphine De Vigan
Éditions JC Lattès, 06 mars 2019
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Image bandeau : Sabine van Erp / Pixabay