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[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]M[/mks_dropcap]aintenant, passons à l’artillerie lourde, les concerts attendus, voire très attendus, qui n’auront pas déçu. Là, il y en a pas mal et dans tous les styles.
Allez, je vais commencer par la seconde énorme claque (avec Hirax) de ce festival, à savoir Igorrr. Igorrr, c’est un peu le phénomène à côté duquel il est difficile de passer, précédé d’une réputation de grands malades, capable de faire des morceaux dans lesquels se mélangent l’opéra, le métal, les poules, le breakbeat et j’en passe. Sauf que si sur album ça manque d’âme et tourne vite à la démonstration, sur scène en revanche c’est juste grandiose et fascinant. Déjà, avant qu’ils n’arrivent, voir sur la scène dans un coin un séquenceur et et juste à côté la batterie, ça pose question. Où sont les guitares, la basse, comment il va faire pour tenir tout le monde en haleine avec ça ? La réponse vient vite. Très vite. En créant, pendant quelques minutes, un boxon monstrueux, inhumain, fait de samples, de breakbeats et accessoirement de métal.
Puis arrive le concept Cocteau du groupe : la belle et la bête. Une bête conforme à l’idée qu’on peut s’en faire et une belle légèrement trash mais qui vont dissiper tout doute quant à leurs capacités vocales : l’une est chanteuse lyrique, l’autre de métal. La combinaison des deux offre un mélange absolument détonnant et fait décoller le concert, qui n’en n’avait pas tant besoin que ça, vers des stratosphères incroyables. Derrière son séquenceur, la science de Gautier Serre permet de tout faire passer sans que personne ne bronche : que ce soit du clavecin suivi d’un gros riff bien gras, le son d’un sitar accompagné d’un chant lyrique, une intro à l’accordéon ou encore une séance de breakbeat finale digne des grandes heures de l’IDM Warpienne des 90’s (on pense beaucoup à Autechre et Aphex Twin), plus ça s’éparpille, meilleur c’est. Si en plus vous ajoutez une véritable alchimie entre les quatre membres qui n’hésitent pas à déployer une énergie monstrueuse, vous finissez par obtenir un concert absolument hallucinant et parfaitement atypique. Grand grand concert et triomphe absolument mérité de la part du public.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]utre grand concert atypique auquel j’ai pu assister, celui de Wardruna. Pour ceux qui ne connaîtraient pas, Wardruna a sorti trois albums (dont un excellent premier jet, Gap Var Ginnunga en 2009) et s’est surtout distingué en composant la Bande Originale de la série Viking. Il s’agit donc d’un univers sombre, lent, folklorique, au plus près de ce que pourrait être la musique traditionnelle Nordique. Et c’est donc ce qu’on va retrouver lors de ce concert. Une scénographie sobre, des instruments traditionnels et assez étranges (pas de guitare, pas de basse, le seul instrument familier présent sera un violon) disséminés un peu partout et un set oscillant entre polyphonies corses des pays froids et tribalisme, un peu comme si le Negura Bunget d’Om abandonnait l’électricité pour reprendre le répertoire de Dead Can Dance.
Ce qui va donner une coloration très particulière au concert, une atmosphère lourde, mystique, à laquelle le public va répondre aussitôt présent. A vrai dire, la spécificité de ce concert est cette impression qu’on assistera à une sorte de séance d’hypnose collective réciproque. Dès l’introduction, le groupe, comme le public, entre dans une transe dont ils ne sortiront qu’au bout d’une heure. Tous resteront concentrés, attentifs, jusqu’à cette note finale où le chanteur finira par fissurer la carapace qu’il s’était construite jusque là pour se laisser déborder par ses émotions face à la ferveur du public. Ce qui nous gratifiera d’un rappel inattendu et amputera par la même occasion le concert d’Opeth de cinq minutes. Grande et belle expérience mystique.
Autre expérience flirtant avec une autre mystique, celle du blues, le concert de Chelsea Wolfe. Quatuor paritaire dirigé par une grande prêtresse façon Siouxsie, le groupe va nous emmener vers de bas-fonds crades et dangereux du blues tout en conservant néanmoins une certaine pureté (le chant de Chelsea en est une superbe illustration). Donc pas un gramme de métal dans ce concert mais, grâce à une batteuse exceptionnelle et un répertoire solide, un excellent set qui monte tranquillement en intensité jusqu’à un morceau final proprement fascinant.
Tout comme l’était, mais à un autre degré, la prestation potache et particulièrement débile d’Ultra Vomit le samedi en début d’après-midi sur la scène du Mainstage. Là, c’était un peu du grand n’importe quoi. Les français ont amené un vent de folie assez rafraîchissant sur le Hellfest avec des interprétations cartoonesques de certains succès populaires français. L’emploi du mot cartoonesque est par ailleurs totalement justifié, le groupe commençant son concert par le générique des Looney Toons. Après, ça part en live dans le grand n’importe quoi avec la réinterprétation de Tirlipimpon, La Chenille ou encore Face A La Mer (faisant dire au leader qu’il fait du Calogira) façon métal, la séparation de la fosse en deux entités qui finiront par s’affronter, le pipi, le caca avec un wall of shit mémorable ou avec l’arrivée d’Andréas sur leur tube Je Collectionne Des Canards (Vivants).
Bref, Ultra Vomit, c’est du AC/DC encore plus régressif, du Trust parodique sans prise de tête, c’est absolument hilarant et surtout ça fout une ambiance carrément démentielle. Néanmoins, si on devait adresser un seul reproche à ce concert, c’est qu’il aurait du être programmé plus tard, sur une durée plus longue.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]vant de passer à l’adage c’est dans les vieux pots …. attardons nous un peu sur le second concert que j’attendais comme le messie, les Finlandais de Skepticism. Leurs venues en France (deux) étant encore plus rares que le nombre d’albums sorti en plus de vingt ans (quatre plus un live), il était impensable pour moi de rater cet événement. Et là, vous vous en doutez, pas de déception, ils ont été parfaits, à la hauteur de mes attentes. Décor très très sobre, avec en fond sur une toile noire, le nom du groupe en lettres blanches, sur la gauche, un orgue/synthé avec un miroir style rococo, une guitare sur la droite et la batterie au milieu. Le groupe arrive fringué comme sur la couverture d’Ordeal, tout en noir avec chemises à jabot dépassant du costume, les musiciens prennent possession de leurs instruments et le chanteur dépose son bouquet de roses blanches au pied de son micro d’un air complètement absent, sans adresser un regard au public, avec des gestes d’une lenteur excessive.
Le groupe commence alors le set sur deux morceaux issus de leurs premiers albums (dont The March & The Stream) pour se tourner ensuite vers les deux tiers d’Alloy (The Arrival, Antimony, March October et Oars In The Dusk). Chacun des musiciens vaque à ses occupations, comme isolés dans leur bulle, avec des gestes d’une lenteur assumée (La palme revenant à Matti Tilaeus, sosie de Renaud et accessoirement chanteur, prenant par moment des postures psychotiques avec attitude figée, visage fermé, absence totale d’émotions comme s’il semblait être ailleurs). Le résultat est à l’image de leur discographie, d’un désespoir absolu, d’une profonde noirceur, monolithique mais aussi d’une grande beauté et d’une rare puissance. En un mot, les Finlandais ont été impériaux et ont démontré que, malgré la concurrence, en matière de Funeral Doom, ils ont été, sont et en resteront les maîtres du genre.
Tout comme les Stoners Italiens d’Ufommamut qui, en trio, donneront une leçon de stone/doom à tous les groupes les ayant précédés (Mars Red Sky et Electric Wizard en tête). Le batteur cogne comme un sourd sur ses fûts, le bassiste/chanteur arbore le look idéal du parfait stoner (en gros, pré-quinqua émacié, longue barbe, cheveux longs et hirsutes à la Dylan Carlson) et le guitariste, sosie de Buffalo Bill, tueur en série du Silence Des Agneaux de Demme, assène ses riffs monstrueux à une assemblée secouant à l’unisson sa chevelure crade. Sur scène, le groupe, un peu taciturne, semble tout de même s’éclater en produisant une musique à la fois passionnante et extrêmement massive, avançant tel un pachyderme, broyant tout sur son passage, gagnant en intensité à chaque morceau. A tel point que lorsque arrive le morceau final, le trio lâche difficilement l’affaire et dépasse le temps lui étant imparti de près de dix minutes. N’empêche que pour nous ce bonus fut absolument grandiose, tout comme la performance générale des Italiens.
Maintenant et pour clore ce compte-rendu, passons à la caution politique de ce festival avec deux groupes qui auront foutu le feu au Hellfest : Trust et Les Ramoneurs De Menhirs.
Nannnnn, je déconne.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]M[/mks_dropcap]ais qu’on le veuille ou non, cette édition du Hellfest aura été marquée par les engagements politiques de certains groupes présents ici. On pensera à Trust, évidemment, mais surtout à deux groupes qui ont enflammé le Mainstage comme jamais, anciens certes, composés de vieux briscards engagés contre la politique de Bush et consorts soit mais d’une actualité brûlante, à savoir Ministry et Prophets Of Rage. Les deux ont en commun d’avoir des membres ayant connu leur apogée au tout début des 90’s au moment de la guerre d’Irak. Pour Ministry, on savait à quoi s’attendre, un show rageur, survitaminé (ou plutôt surdopé), violent et bien indus. Après, fallait espérer que le groupe soit à la hauteur des attentes. Chance pour nous, nous avons assisté à un show d’anthologie pendant lequel on a pu voir un Pierpoljak Sparrow en plein bad trip, c’est à dire bien énervé, faire le show et hurler à l’envie dans son micro devant un public encore plus chaud que la canicule. Derrière lui, l’écran projetait des images de Trump, histoire de bien faire comprendre la portée politique de leur musique et autour s’agitaient ses musiciens visiblement connectés en bluetooth (aucune des guitares ou basse n’avaient de fil), se déplaçant d’un bout à l’autre de la grande scène, haranguant la foule, bref se faisant plaisir. De plus, ce qui a également contribué à la réussite du show, outre le jeu de tous, ce fut les choix musicaux, puisant dans les albums récents (et même un nouveau single) autant que dans leurs anciens tubes (pas mal de morceaux de l’imprononçable Psalm 69 y passeront). Du coup le groupe parvient à trouver un équilibre sans faire baisser un seul instant l’intensité du concert. Au final Jourgensen et sa bande en ressortiront un peu lessivé, parce que tenir une heure à ce rythme là, ça semble assez éprouvant, mais nous en tant que spectateurs, en auront eu plein les yeux et les oreilles.
Même motif, même punition pour Prophets Of Rage. Sauf qu’ici je me posais des questions sur la légitimité d’un Mainstage d’une heure et demi pour un groupe dont le premier album ne sortira qu’en septembre prochain. Bon, je l’avoue, au bout d’un morceau, le groupe a brillamment balayé mes doutes d’un revers de la main. Les gars sont pas là pour rigoler, mais plutôt foutre le feu au Mainstage. Faut dire aussi que chacun des membres a au moins vingt ans d’exercice derrière lui : Chuck D et Dj Lord ont officié chez Public Enemy, B-Real chez Cypress Hill et le reste chez Rage Against The Machine. Donc pour ce qui est de la pratique des concerts, ce sont loin d’être des novices. Après, malgré cela, il reste toujours une certaine appréhension : comment de telles personnalités aussi fortes vont pouvoir cohabiter sans tirer la couverture à soi ?
La réponse a été assez simple, en interprétant quelques titres du future album mais surtout en faisant une sorte de best-of live des titres les plus emblématiques de chacun des groupes (Fight The Power pour Public Enemy ou encore Killing In The Name pour Rage pour ne citer que les plus connues). Du coup, pendant près d’une heure et demi, le public a eu droit à un show assez démentiel pendant lequel la poussière s’est soulevée de façon hallucinante, rendant l’air presque irrespirable, où se sont formés un nombre incroyable de tourbillons humains, où certains spectateurs flottaient miraculeusement au-dessus d’une marée humaine pour s’échouer lamentablement à quelques mètres de la scène rattrapés par le service d’ordre. Démentiel également dans le sens où jusque là, je ne pensais pas voir une foule s’éclater sur du hip hop old school, genre tout de même à des années lumières de la programmation habituelle du Hellfest.
Démentiel pour cette énergie communicative (malgré une chaleur étouffante), cette envie de sauter sur place dès que Chuck D ou B-Real scandaient un « jump » fédérateur, de se jeter dans un pogo alors qu’on est sur le point de terminer le festival, rincé. Démentiel enfin pour l’émotion dégagée par l’hommage rendu à Chris Cornell, laissant la foule chanter par dessus la musique. Et, pour en finir avec ce concert, pour cette rage, cette flamme irriguant chacune des personnes présentes sur scène, cette étincelle qui permettra de foutre le feu au Mainstage et tenir en haleine pendant une heure et demie un public d’une grande réceptivité. Comme quoi, utilisée à bon escient, la colère peut être un élément moteur dans l’inspiration et la longévité d’un groupe.
Ce n’est d’ailleurs pas Helmet, autre groupe culte issu des 90’s, qui me contredira sur ce point. Les Américains ont livré au Hellfest un excellent concert, nerveux, sec comme un coup de trique. On abandonne ici le métal pour la pop mais une pop revue et corrigée par Bob Mould, bruyante, passée à la moulinette noise et sans concessions. Ce qui donne au final un rock bien aride mais d’une richesse dingue, lui assurant un beau carton auprès du public.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]M[/mks_dropcap]aintenant, pour conclure sur ces trois jours, certains diront que le Hellfest c’est devenu n’importe quoi, un grand barnum, du grand-guignol, une caricature de ce qu’est et devrait être le metal, un lieu de pèlerinage façon Disneyland avec des attractions pour attraper le gogo. Ce à quoi on pourra toujours leur répliquer : en effet, c’est un grand barnum, un cirque, une attraction dans laquelle on trouvera toujours de quoi se réjouir et de quoi faire la gueule. Mais n’oublions pas que derrière tout ça, il y a toujours cette passion pour les musiques extrêmes qui anime les organisateurs. Ok vous trouverez toujours des noms pour vous révulser ou vous faire marrer (franchement Ugly Kid Joe, il y a vraiment que le Hellfest pour s’en souvenir, ou Trust …) mais à côté de ça, c’est une mine d’or pour les découvertes (sans le Hellfest pas de Primitive Man pour moi, ni d’Igorrr, ou de Belphegor) et ce sont aussi les seuls qui amèneront certains groupes en France (Selon leur site officiel, Skepticism, en vingt ans de carrière, n’est venu visiter nos belles contrées que deux fois en comptant celle-là). Et enfin, au risque de me répéter, au niveau organisation, c’est tout de même l’un des meilleurs festivals auquel j’ai pu assister jusque là. C’était déjà le cas l’an dernier et l’année d’avant et ça l’est encore cette année. Vivement 2018.
Remerciements éternels à Roger pour avoir été si compréhensif à mon égard et bien évidemment à toute l’équipe d’Addict-Culture.
Image à la une : Johnny Mip