Le Poblao est un bidonville de Madrid, ensemble de cabanes bricolées où vivent des Gitans, duquel a disparu la petite Alma. Lorsque la ceinture de Calcao est retrouvée dans le périmètre bouclé par la police, cet idiot sans défense devient aussitôt le coupable tout désigné d’un crime sordide et Perro, le grand-père de la fillette, se fait justice lui-même en exécutant le suspect. L’inspecteur O’Hara, toxicomane que ses supérieurs ont dans le collimateur depuis longtemps, est alors chargé de l’enquête tandis que Perro, le patriarche du Poblao, emprisonné depuis le meurtre de Calcao, convoque Tirao et lui ordonne de découvrir la vérité.
En quarante-cinq chapitres de longueur variable, Anibal Malvar nous fait visiter les quartiers déshérités de la capitale espagnole, dont les habitants naviguent entre trafics de drogue, insalubrité, misère et vains espoirs d’améliorer leurs conditions de vie. O’Hara est secondé dans son enquête par Ximena, une journaliste issue de la bourgeoisie madrilène, qui vit dans un appartement minable près du bidonville. Son amie Soledad, bonne sœur hétérodoxe en rupture avec l’Église, vérifie que les enfants du Poblao sont en bonne santé, tout en fournissant de la méthadone aux camés qui viennent lui rendre visite dans son camion de l’association Sanitale.
Outre les femmes et les hommes plus ou moins attachants que l’on rencontre tout au long du roman, de multiples personnages atypiques conduisent le récit, tels la ville, la lune, un billet de banque, un insigne de police, un perroquet mélancolique et le manque éprouvé par les toxicomanes. Il arrive également que deux narrateurs se répondent dans un même chapitre, ce qui accroît encore l’impression, chez le lecteur, d’être pris dans un tourbillon. La grande variété de ces voix offre ainsi à la narration une richesse exceptionnelle. Quant au rythme, il oscille sans cesse entre la vigueur des scènes d’action liées à l’enquête et le calme des passages que l’auteur consacre à l’introspection des personnages ou à l’étoffement de l’atmosphère du roman.
La langue de Malvar est poétique, d’une poésie résolument urbaine, qui nous pousse à éprouver de l’empathie pour ces quelques figures que l’on suit pendant plusieurs jours, dans une ville à l’image de l’Europe contemporaine, une capitale dans laquelle se côtoient des classes sociales que tout oppose.
La Ballade des misérables reflète parfaitement la ligne éditoriale d’Asphalte et les lecteurs fidèles de cette maison retrouveront dans le roman tout ce qui les avait séduits dans des ouvrages comme Les Rues de Santiago, Belém, Golgotha ou N’appelle pas à la maison. Pour ceux qui connaissent mal le catalogue d’Asphalte, ce livre est un bon moyen de combler leurs lacunes.
Anibal Malvar, La Ballade des misérables, Asphalte, novembre 2014
Le site des éditions Asphalte / Leur page Facebook