Laurent Mauvignier revient au roman après un détour par le théâtre avec Tout mon amour. On se souvient encore de son œuvre précédente, Des hommes, et on attend donc beaucoup de son retour.
Roman, vraiment ? En tout cas, l’éditeur ne le proclame pas trop fort puisqu’il nous inflige la jaquette « 14 voyages ». Ne surtout pas perdre le lecteur.
A la lecture de ce roman, des questions nous assaillent dès le début. La zone de confort absente, on réfléchit d’autant plus. Nouvelles imbriquées les unes dans les autres ? Histoires qui se succèdent – avec pour point commun le tremblement de terre et le tsunami au Japon en 2011 – et s’enchaînent avec, pour chacune, une phrase pour passer de l’une à l’autre. Déconcertant quand on attend un roman et quand on se rend compte que les personnages des premières pages ne reviendront pas. Une fois habitué à ce rythme, on se laisse complètement prendre par les récits de Mauvignier.
Le titre, bien choisi, décrit tout à fait ce qu’on ressent à la lecture. On passe d’un pays à l’autre, mais pas seulement. D’une classe sociale à l’autre, d’un âge à l’autre.
Certaines histoires résonnent encore quand elles sont terminées. D’autres un peu moins et il s’agit là de la seule faiblesse du roman. Certaines sont belles, d’autres tragiques et terribles, parfois finissent bien ou pas du tout.
Mauvignier n’a pas pour habitude de faire dans le pathos. Il décrit, raconte, détaille souvent en allant très loin, mais sans maniérisme, sans voyeurisme. Les faits, rien que les faits de son, ses histoires. Des hommes, des femmes, des couples heureux, pas toujours, des couples amoureux, des couples d’amis. Au-delà des apparences, Mauvignier enfonce le clou et va loin dans la psychologie de ses personnages perdus, téméraires ou en symbiose avec la nature. Il s’amuse aussi à choquer le lecteur, annonçant abruptement le décès d’un de ses personnages à venir, dans les pages suivantes, comme anticipé mais presque normal et attendu. La vie qui va et vient. Le mouvement du monde. Mais dans le fond, le tremblement de terre, le tsunami ne sont pas tant présents, à part dans les premières pages.
Ce que Mauvignier décrit le plus souvent dans ces « voyages » se trouve dans cette phrase du livre : « Quand on part si loin de chez soi, ce qu’on trouve parfois, derrière le masque du dépaysement, c’est l’arrière-pays mental de nos terreurs. »
Laurent Mauvignier, Autour du monde, Minuit, septembre 2014