Asae et Blackbird ont vu Les Combattants et avaient envie d’écrire et de partager ensemble leur point de vue avec vous !
Ce film a été présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 2014 et est sorti en salle pour notre plus grand plaisir à la fin de l’été. Au premier regard, on pourrait dire que ce film est frais et léger, une histoire finalement assez banale de deux adolescents qui, un été, tombent amoureux. Mais, si le spectateur en a envie, il peut tout aussi bien décider d’avoir un autre regard. En effet, on peut y voir un film qui évoque la relation parents – adolescents, mais aussi la vision qu’ont ces jeunes sur leur avenir. On est bien évidemment transporté par l’histoire de ces deux jeunes que tout oppose dans leur caractère, dans leur relation à l’autre jusqu’à leur environnement social et familial et qui, malgré tout, vont se laisser surprendre par l’amour.
J’ai surtout choisi de vous parler de ces deux adolescents fascinants. Le jeune garçon, Arnaud (Kevin Azaïs) vit avec sa mère et son frère. C’est un garçon plutôt raisonnable, sans histoire et d’une extrême gentillesse. Il aide son frère à l’entreprise familiale pour l’été et voit ses copains le week-end et le soir. Elle, Madeleine (Adèle Haenel), est une jeune fille mystérieuse, dure, avec un regard fataliste sur l’avenir. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle s’entraîne tous les jours afin d’intégrer un stage de survie dans le but d’être recrutée et de faire carrière chez les militaires pour apprendre à survivre à la fin du monde qui, selon elle, se profile à grandes enjambées. Comment cette jeune fille, cultivée en est-elle arrivée à se poser la question de la survie de l’espèce et surtout de sa survie ? Le film ne répond pas à cette question, nous laissant maître d’y trouver nos réponses ou nous laisser dans un perpétuel questionnement.
Madeleine intrigue beaucoup Arnaud qui va finalement se laisser guider par ses lubies de stage. Nous sommes amenés à vivre des instants hilarants dans ce camp militaire d’été. L’humour est décapant et les scènes souvent savoureuses à la limite du ridicule. Il n’y a plus qu’à se laisser embarquer dans cette aventure avec eux. Le réalisateur va nous faire cadeau de portraits magnifiques, où la lumière nous invite à l’intimité avec ces deux personnages. Plongés dans un univers sauvage, sans artifice, d’une grande liberté. Tout comme eux, je me suis sentie transportée. Envers et contre tout, on retiendra cette rencontre et comment celle-ci a finalement réussi à donner le sourire à Madeleine.
Ce film a été l’occasion de revoir Adèle Haenel, jeune actrice découverte dans l’Apollonide : Souvenirs de la maison close mais aussi dans le très beau film Suzanne de Katell Quillévéré.
Asae
Adèle Haenel, je l’ai peut-être vue ailleurs, je ne m’en souviens plus. Désormais, Adèle Haenel, c’est la combattante. C’est son film, c’est elle. Elle et lui, aussi, Kevin Azaïs. Elle est hargneuse, dure, active. Il est calme, gentil, passif. Ils se contaminent progressivement, trouvant chez l’autre la force qu’il leur manquait pour survivre. Elle le fera courir, il la fera sourire. Ils sont les deux côtés d’une même pièce, luttant d’une façon et d’une autre pour leur survie, contre la mort. Ils sont bien davantage que simplement complémentaires : ils sont les deux tendances d’une seule et même personne. Alors quand j’écoute Thomas Cailley parler de son film, tout à coup je les vois, eux. Je crois les entendre, dans son ton, dans ses mots. Je ne sais plus où est le jeu d’acteur, où est la réalisation, où est la réalité de ces personnes et de ces personnages. La fiction m’a touchée au-delà de la fiction.
On pourrait parler de l’image, des couleurs, du montage. On pourrait parler d’une réalisation technique un peu scolaire ou de personnages secondaires un peu rapides et effacés. Pour moi, tout cela s’efface derrière l’esprit du film. Le film a ceci de génial qu’il laisse libre les regards. A nous de choisir si l’on préfère rire ou pleurer. La première fois, j’ai ri, la deuxième, j’ai pleuré. Et combien de fois ais-je ri en pensant pleurer et pleuré en souhaitant rire ! Asae voit une histoire d’amour, une relation entre les générations, une vision des jeunes sur l’avenir. J’y ai surtout vu un combat contre la mort. Le film s’ouvre sur la mort du père d’Arnaud – ça n’est pas un détail, c’est une situation de départ pour le combat contre la vie. Les gens meurent, les gens qu’on aime ne survivent pas. Le monde est à la dérive et que fait-on alors d’un master en macroéconomie ? Toute la question est là et toute la réponse est dans le comportement de ces deux jeunes, qui pourraient être toi, qui pourraient être moi.
La réponse se situe peut-être un peu au carrefour de l’amour mais on la trouve surtout incarnée dans ce film, dans la matière même du film. Elle est dans l’action, qui va, rebondissant sur chaque détail, que l’on trouve sur notre chemin et puis, parfois, très sobrement, magnifiquement, elle est dans une pensée. Avec eux, nous apprenons à enfoncer lentement, patiemment des brindilles dans la terre sans les casser : si tu n’y arrives pas, nous dit Arnaud, nous dit Kevin, nous dit Thomas, tu ne survivras pas. Savoir ne penser à rien quelquefois, agir souvent, aimer, faire ce film et le regarder : voilà comment survivre.
Blackbird
Un film qui m’a donné le sourire, émue aux larmes, donner envie de bouffer le monde, une bouffée d’espoir, de rage le tout avec fantaisie !
Très bel article. Un film qui m’a aussi touchée*
Merci pour cette double chronique. J’avais un a priori négatif sur le film (« une fille qui s’engage dans l’armée, ça ne m’intéresse pas, j’en ai connu et c’était pas beau à voir… », me disé-jé)), mais vous m’avez donné envie.
Bravo !
Merci de nous donner envie comme vous faites. super film.