[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]V[/mks_dropcap]ous le savez, depuis le temps que vous me lisez dans ce webzine, je ne suis que paix, amour et abnégation ; jamais en reste quand il s’agit de payer de sa personne pour traverser soixante départements, changer huit fois de voiture et reprendre trente fois des rillettes pour faire un live report digne de ce nom. Que voulez-vous, je suis comme ça. Bref, tout ça pour dire que jeudi 20 novembre, j’étais convié à la seconde édition de la Souterraine à la salle Jean Carmet d’Allonnes (ville que nous localiserons aux abords du Mans, d’où les rillettes. Humour…) pour y voir notre chouchou Orso Jesenska, Arlt et celui qui pourrait être le père de ces deux formations, Silvain Vanot.
Par où commencer ?
La salle ? Relativement grande avec une petite scène en son milieu, cossue, bourrée d’instruments, avec deux setlists (celles d’Orso et d’Arlt). A à peine cinq mètres de la scène, la régie son, sur la droite, le bar. Entre la scène et la régie, de la place pour une trentaine de spectateurs, assis sur des chaises apportées par les organisateurs ainsi que deux ou trois tables de bar et un tapis mis juste devant la scène pour faciliter le travail des photographes sans qu’ils aient à se salir les genoux. L’Excelsior se plie en quatre pour le confort de ses spectateurs et créer ainsi une ambiance familiale et rassurante.
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]D[/mks_dropcap]isons que depuis ce vendredi 13 très particulier, il fallait bien ça. Créer une ambiance cosy dans laquelle les artistes puissent recommencer à s’exprimer. C’est au marseillais Orso Jesenska d’avoir le privilège de débuter cette soirée. Un set à l’image de son dernier album, acoustique, racé et élégant. Accompagné de Mocke, dénominateur commun de la soirée puisque présent dans les trois formations, à la guitare et de Cédric Thimon aux cuivres, le marseillais délivre un set à la fois touchant, intense (notamment sur un Et Nous Encore Vivants particulièrement douloureux) et d’une beauté à coller des frissons (Exilés, L’Ombre Descend ou Palabras Para Julia, magnifiques dans leur dépouillement). Les 3/4 d’Effacer La Mer y passeront, quelques morceaux d’Un Courage Inutile (dont Trois Ombres, morceau illustrant la BD de Cyril Pedrosa) et un inédit (dans la continuité d’Effacer La Mer, mais plus dans une optique Paroles que l’intime Exilés). Durant le concert, Jesenska fait l’équilibriste, sur un fil, celui de l’émotion à fleur de peau, et le public, à peine plus nombreux qu’un showcase faut-il le répéter, très réceptif, laissera à chaque fois un silence respectueux à la fin des chansons avant d’applaudir. Un très beau concert intimiste pour entamer une soirée qui s’avérera elle aussi riche en beautés.
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]e sera ensuite au tour de Silvain Vanot d’envahir la scène avec son big band composé de lui-même et sa pelle à pizza électrifiée, sortant des sons parfois difficilement identifiables et lui servant occasionnellement de guitare. Le « vétéran », bourré d’humour et plutôt à l’aise, débute son concert en rappelant que cela faisait seize ans qu’il n’était pas revenu ici. Pendant quatre morceaux, dont un inédit superbe, pour lequel il doit s’y reprendre à deux fois pour l’entamer correctement, il se la joue solo, électrisant la salle. Une vingtaine de minutes durant, Vanot dégage un magnétisme assez étonnant et parvient à occuper l’espace de la scène avec un son particulier, alliant immédiateté et complexité. Ce charme unique sera moins fort avec l’arrivée de Christian Quermalet (fondateur de The Married Monk dont le Belgian Kick va être réédité en vinyle d’ici peu) venu soutenir le large répertoire de Vanot. Celui-ci, lors du set, balaiera à peu près tous ses albums (Egérie, Sur Des Arbres, Bethesda, entre autres) et Mocke complétera la formation sur l’ultime morceau. Le concert se terminera sous une belle salve d’applaudissements et avec la promesse de ne plus avoir à attendre seize ans pour revenir au Mans. Ce qui, je l’espère, pourra se faire en 2016, à la sortie de son prochain album dont pas mal de titres ont été présentés lors du concert. Et autant l’avouer, au vue de ce que l’on a pu en entendre, l’album se présente comme un des futurs sommets de l’an prochain.
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]T[/mks_dropcap]erminons ce report par la tête d’affiche de ce soir : Arlt. Ce sera dans sa formation la plus complète possible, à savoir Eloise Décazes, Sing Sing, Mocke et Thomas Bonvallet que se fera le concert. Pour la faire courte, c’était excellent. Pour la faire un peu plus longue, concert beau et fou à la hauteur du talent de Arlt. Pour être honnête, ce n’est pas que j’y allais à reculons mais je n’ai pas été convaincu par Deableries, loin de là. C’est un bon album, clairement, mais trop sage à mon goût, dans lequel la folie caractéristique du duo ne s’exprime plus qu’avec parcimonie ( Le Cancer, Nue Comme La Main et Piège A Loup). Le live va lui donner une autre dimension, plus ample, lui seyant à merveille. On y retrouve ce grain de folie, cette sécheresse rock’n’roll auquel le groupe s’abandonne littéralement. Hormis Mocke, concentré et impassible, occupant la même place qu’aux deux sets précédents, les trois autres membres ont pu laisser libre cours à leur douce et attachante folie.
Chacun a sa particularité : Sing Sing, dans le rôle du leader, commence chaque chanson en chuchotant le décompte rythmique sur la pointe des pieds, avec cette inclinaison à ne vouloir déranger personne. Thomas Bonvalet laisse éclater quant à lui sa créativité, qu’on ne ressentait pas forcément sur les disques, avec des percussions faites de bric et de broc, glanées dans on ne sait quelle brocante, des instruments à vent particuliers issus d’une imagination qu’on devine très fertile, faisant de lui une sorte de Géo-Trouvetout barré. Pendant le concert, chez lui, toutes les parties du corps sont mises à contribution : la tête, les pieds (affublés pour l’occasion de chaussures spéciales), les mains, tout ; il insuffle au concert ainsi qu’aux autres membres une dynamique et une folie communicatives. Et Eloise Décazes joue dans un registre s’apparentant à la possession, raison pour laquelle j’ai fortement songé à faire appel à un exorciste. Parce qu’entre la personne affable, prévenante et souriante campée derrière le stand merchandising et celle occupant la scène quelque minutes plus tôt, il y a un quelque chose tenant de la dissociation. Chacun le sait, la musique a cette propriété de rendre vivant chaque lieu qu’elle occupe ou permettre à ceux qui l’écoutent de se sentir plus libres mais elle a également cette propriété d’habiter les personnes qui la pratiquent, parfois à la limite de la possession. C’est ici le cas chez Eloise, concentrée certes mais par moment submergée, happée par les émotions, seule dans sa bulle, inconsciente parfois de ce qui semblait l’entourer. Bref, pour revenir au concert, presque tout Deableries y passera avec quelques miettes de Feu La Figure et La Rouille (présente sur La Langue; l’album, pas l’organe). Le groupe, plutôt détendu, prolongera le concert avec deux rappels et quittera la scène apparemment très ému : Sing Sing et Eloise s’étreignant, Bonvalet changeant de chaussures et Mocke reposant sa guitare.
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]J[/mks_dropcap]e sais, c’est d’une banalité à pleurer, comme à chaque concert auquel j’assiste (que voulez-vous, le bon goût, comme la modestie, c’est inné chez moi), mais cette souterraine # 2 fut une soirée d’une grande et belle qualité; et comme le faisait remarquer une des organisatrices en parlant à Eloise après le concert, il y avait peu de personnes dans le public certes mais ce fut un public de qualité, sachant apprécier la soirée à sa juste valeur. Chaque spectateur présent dans la salle voulait être là ce soir, partager ce moment unique, cette osmose si particulière avec les artistes et prouver que oui, encore et toujours, nous sommes et serons plus que jamais vivants.
Arlt – 19 novembre, Excelsior AllonnesMerci les amis.(et pardon d’avoir filmé du pied gauche)
Posté par Antoine Chanteloup sur dimanche 22 novembre 2015
Arlt – Orso Jesenska – Silvain Vanot – L’excelsior