Dire que l’attente fut fébrile serait travestir un tant soit peu la réalité. Que restait-il de ce groupe tant aimé, auteur d’albums majeurs, novateurs et ingénieux en termes d’arrangements, de mélodies grandiloquentes et de puissance d’écriture à nulle autre pareille ? A vrai dire, pas grand chose, la forme déclinant au mitan des années 2000, atteignant des sommets de pauvreté sur Snowflake Midnight, cuvée assez misérable de 2008, où l’ennui et l’indifférence se disputaient le premier rôle et dont la plupart des titres auraient pu figurer en face B des albums des inénarrables Enigma, chantre de l’absurdité New Age indigente que l’Allemagne crut bon distiller à dessein de pollution sonore insupportable à partir de l’aube des années 1990, c’est tout dire.
Sept ans d’attente et un changement de maison de disque plus tard, les voici de retour avec The Light In You, huitième album en presque 25 années d’existence. C’est donc avec le coeur rempli d’espoir mais l’esprit sans trop d’illusions que le disque se mit à tourner sur ma platine CD.
PAN, l’uppercut. Patatras, la chute en arrière. On croit rêver, mais on ne rêve pas. Un comble.
Certes Jonathan Donahue est toujours le pâtissier en chef de la formation native de Buffalo, capable de préparer une chantilly douce, légère et onctueuse, mais ce coup-ci, c’est carrément le pot de sucre qu’il a laissé tomber dans le récipient, tant ça dégouline de partout. Quand ce n’est pas de la crème culinaire à 10 % qui a été utilisée, tant la rengaine et la litanie sont d’une platitude Himalayenne, ou abyssale, si vous n’aimez pas prendre de la hauteur.
Il serait évidemment simple de tirer sur l’ambulance Dream-Pop, de rengainer son six coups et de se barrer vers des cieux plus cléments. Mais ce serait oublier un peu vite que Grasshopper et Jonathan Donahue n’ont pas trouvé le talent dans un baril de poudre à lessiver et qu’ils restent capables de certaines fulgurances.
Au rayon des trop rares satisfactions, on pointera du doigt Central Park East et sa ligne de basse inventive et son orgue ecclésiastique, manifestement la plus belle réussite de ce disque bancal. The Queen Of Swan, le premier extrait lâché en éclaireur, se révèle réussie dans son rôle d’ouverture d’album, classique et académique mais jamais désagréable. Are You Ready, si on excepte les voix féminines énervantes au possible, fait office de single acceptable.
Rayon fâcheries, par contre, on n’aurait pas assez d’une nuit blanche pour constater les dégâts. Des fausses trompettes à la Blues Brothers sur l’innommable Sunflower à la mélodie épouvantablement kitsch de Rainy Day Record, qu’on jurerait tout droit sortie d’un parc d’attraction pour jouvencelles pré-pubères arborant fièrement T-Shirt de Dora l’exploratrice, en passant par l’horrible logorrhée répétitive et ultra-énervante présente sur Amelie, sans doute le pire morceau qu’ils aient composé à ce jour, la liste des passifs est longue et loin d’être exhaustive. Au mieux, l’envie de réprimer un bâillement se fait sentir. Au pire, c’est la stéréo qui passe par la fenêtre.
Décevant.
Mercury Rev, The Light In You, le 02 octobre chez Bella Union – PIAS Cooperative.