On a lu Petit Pays, le roman de Gaël Faye. On connaît son adaptation ciné en 2020. On sait aussi que le théâtre s’était emparé du récit. Mais on n’avait pas encore vu la BD. Le titre est sorti en avril, chez Dupuis, dans la collection Aire Libre. C’est une belle réussite, toute en finesse et en violence exacerbée.
L’actualité aime les chiffres et les anniversaires. Elle ne s’est donc pas privée de nous rappeler, en avril dernier, les 30 ans du génocide des Tutsis au Rwanda. Cette haine entre deux ethnies qui habitent un même territoire, partagent un même dieu, parlent une même langue… mais n’ont pas le même nez, aura provoqué l’agonie et la mort de plus de 800 000 personnes.
De cette toile de fond qui nourrit le roman de Faye, les deux auteurs de la BD (Marzena Sowa et Sylvain Savoia, qui avaient déjà travaillé ensemble sur Marzi) ont tiré des images terribles, réalistes et documentées ou empruntes d’insouciance et de légèreté.
En effet, les dessins donnent parfois à voir la mise à mort et l’indicible, perceptible par exemple dans le regard absent et fuyant d’Yvonne, la mère du jeune héros de l’histoire. Mais ils se nourrissent aussi d’espoir, de mangues et de rêves d’enfants, comme un refuge où se cacher devant la bêtise humaine et l’abject.
Quant au récit, il met aux prises le jeune Gaby et ses copains d’un quartier huppé du Burundi avec une réalité qui va les rattraper : l’exportation de la guerre civile qui fait rage au Rwanda. Les connexions sont nombreuses entre les deux territoires. La famille, les relations professionnelles, l’attachement viscéral à l’Afrique… De nombreux éléments offrent de tracer un destin commun aux deux pays.
Alors que son père français et sa mère rwandaise se séparent, Gaby va être rapidement pris entre deux feux. Lui, pourtant, ne veut pas choisir. Tandis que les domestiques de la maison se déchirent, que les Hutus massacrent les Tutsis, lesquels se vengent ensuite s’ils le peuvent, Gaby se réfugie dans les livres. Mais on n’échappe pas à l’Histoire…
Petit Pays est un album sensible et intéressant, dont la création graphique, l’histoire et le découpage participent à créer une belle intensité de lecture. Placés à hauteur d’enfant, nous voilà vite conquis et happés.