« A. Le Début
Lieu : Festival de Cannes.
Date : 18 mai 2011 entre 22h30 et 4h30
Contexte : soirée Melancholia, plage du 3.14.
Bande-son : Amoureux solitaires de Lio
(unique donnée sonore retenue).
Incident déclencheur : « Tu ne veux pas m’embrasser, s’il te plait ? » (requête prononcée par MS à 3h12 dans un état de conscience altéré). »
Et c’est ainsi que débuta la relation amoureuse entre MS et XX.
*
A la manière d’une collectionneuse, Monica Sabolo décrit avec force ce qu’est l’épreuve du chagrin d’amour, à travers l’analyse minutieuse de sa relation avec XX, un collègue de travail. Monica, ou MS, s’attache à décrypter les signes avant-coureurs qui font que les prémices de l’émoi amoureux de sa relation voguent inévitablement vers la catastrophe, tel le naufrage du Titanic.
Œuvre autobiographique récompensée par le Prix de Flore en 2013, Tout cela n’a rien à voir avec moi est un roman qui est à la fois drôle, caustique, et pour le moins mélancolique. La forme se détache de celle du roman traditionnel, et se tourne davantage vers le journal intime, ce qui rend l’histoire de MS plus réelle, plus vivante. Monica réussit son exercice de style avec un savoureux mélange de retranscription de SMS, dialogues rapportés, photos souvenirs, mails, extraits de pages de dictionnaire et de romans, d’interviews… A l’image d’un herbier où l’on conserve ses trésors rapportés.
A la fois intime et universelle, la thématique du chagrin d’amour évolue dans les trois parties du livre. De l’aveuglement, expose les débuts de l’histoire amoureuse et ses déséquilibres de manière extrêmement drôle et acerbe. Des antécédents relate de manière émouvante l’histoire familiale de MS, avec une mère dépressive et un père biologique absent, sorte d’anamnèse pouvant être la cause des dysfonctionnements relationnels entre MS et les hommes. De l’effondrement, quant à lui, alterne passages dépressifs liés au chagrin d’amour et souvenirs d’enfance.
Ce roman est terriblement touchant. La relation singulière, et finalement banale, qu’entretient MS avec son collègue de travail XX, permet à Monica de se plonger dans les méandres de son passé, de faire des liens et de réfléchir notamment sur la notion d’hérédité, ou du moins de la transmission générationnelle. Est-ce que l’enfant, une fois adulte, est voué à revivre les mêmes problèmes et contrariétés que ses parents ? En l’occurrence, ici, il s’agit surtout des échecs sentimentaux.
Il est facile de s’identifier à ces deux personnages, et plus précisément à celui de MS. On peut dire que tout le monde a déjà vécu une rupture (enfin, j’imagine). C’est donc un roman qui se révèle pertinent pour le lecteur, et qui utilise les mêmes codes que lui. Simple, mais efficace. Et puis, on pourrait penser qu’il est facile de s’apitoyer sur son propre sort, et qu’on va se trouver face à un livre qui sombre dans le pathos. Mais que nenni, Monica Sabolo nous met entre les mains un roman, sorte de mini-thèse sur un amour raté, bourré d’autodérision et d’analyse sur elle-même. J’ai ri. C’est une lecture terriblement cathartique.
Tout cela n’a rien à voir avec moi, Monica Sabolo, Editions Pocket, janvier 2015 (pour la sortie poche) ; première parution en 2013 aux Editions Jean-Claude Lattès.