L’armée des décédés les poursuivut depuis l’antre dans laquelle ils étaient cachés. Par quels subterfuges ils les avions retrouvus, Targariel, Kadobonux et Frodomo ne le savurent jamais. Toujours est-il qu’ils deviont de nouveau fuir, rejoindre la lumière au travers de ces grottes obscures et sombres afin de mettre une distance définitive entre eux et cette armée maudite. Lors de la traversée du pont, signifiant l’accès vers la salvation, un Balltroll surgeat des profondeurs du néant, gutturit un râle profond, emmenit dans son sillage Frodomo. Targariel, Kadobonux ne pouvèrent rien faire d’autre que le regarder s’enfoncer dans les profondeurs abyssales du néant, les cheveux au vent, la main tendue vers l’espoir, le regard désespéré mais bienveillant, rassurant ses compères, les libérant d’un lourd fardeau pesant. Ils s’en allerèrent vers la terre promise, courèrent aussi vite qu’ils le pouvurent et atteignèrent sains, saufs et vivants, le versant éclairé de la montagne. Plus loin, sur le bord de la falaise, à l’abri des décédés, le vent soufflit en rafales et asséchit les larmes qui roulaient telles des lames échouées sur le rivage, sur leurs joues. Vivants, ils l’étaient, mais à quel prix…
Cet extrait du nouveau chapitre, le quatrième en quinze ans, du roman Finlandais la Chape Du Désespoir vous a fait marrer ? Rassurez-vous, moi aussi. Et m’a désespéré par la même occasion.
Je vous le disais il y a quelques semaines, Shape Of Despair se décidait enfin, après onze années de presque silence (le EP Written In My Scars est sorti en 2010), à sortir un nouvel album. L’extrait proposé laissait augurer un grand disque, dans la tradition du Funeral Doom, bien glauque, sans espoir, d’une noirceur abyssale. Ça, c’était avant d’avoir pu écouter le reste de Monotony Fields. Parce qu’après écoute, c’est autre chose.
Là où d’autres mastodontes du Funeral Doom, Esoteric ou Skepticism pour ne citer que le haut du panier, vont à fond dans leur style, creusant leur sillon plus profondément à chaque album, Shape Of Despair, après un Shades Of… absolument somptueux, cherche la sortie en s’en éloignant chaque fois un peu plus. Sur Monotony Fields, le groupe va encore plus loin en atmosphérisant sa musique (ou en l’édulcorant si vous préférez). On voit très bien où il veut en venir : vers un Funeral majestueux, lyrique, amenant l’auditeur dans des contrées peu explorées par ce genre, cherchant à élever leur musique vers la lumière plutôt que les abimes faciles et attendue du désespoir. Le geste serait sympathique si :
– On ne tombait pas aussi souvent dans un aspect caricatural avec une production frôlant la correctionnelle (cette batterie, mon dieu !!!!! Les années 80 ne sont-elles pas mortes ? ).
– Ne s’ajoutaient pas non plus des voix claires qu’on jurerait écrites pour que des jouvencelles hystériques, lors des concerts, puissent soit s’en donner à cœur joie dans le cri orgasmique, soit sortir leur briquet ou encore aient la possibilité de faire des cœurs avec les doigts (The Distant Dream Of Life).
– Et enfin si les chœurs utilisés ne rappelaient pas ceux, new age, de la série Heroes (In Longing).
Et puis, si je devais enfoncer le dernier clou et fermer définitivement le cercueil, j’ajouterais qu’en matière de majesté, aucun morceau de Monotony Fields ne parvient à égaler Oars In The Dusk, dernier titre d’Alloy de Skepticism, qui se pose comme une référence absolue en Funeral Doom majestueux (et dont le jeu de batterie sur ce seul morceau, puissant et habité, disqualifie complètement la totalité de Monotony Fields soit dit en passant).
Heureusement, il reste tout de même chez Shape Of Despair un certain savoir-faire qui ne sauve malheureusement pas Monotony Fields mais lui permet de ne pas sombrer complètement dans le ridicule. Sur les passages vraiment Funeral, le groupe fait preuve d’une maîtrise indéniable de son sujet et parvient même à être excellent sur le morceau-titre du fait de la relative discrétion des chœurs et de l’atmosphère développée. On pourra aussi ajouter que les parties instrumentales de l’album sont en tout point somptueuses, bel exercice d’équilibriste entre mélancolie et rage désespérée.
Malheureusement, ça ne suffit pas pour faire de Monotony Fields un bon album. Sur ce nouveau disque, il apparaît clairement que Shape Of Despair tient à créer un imaginaire propre à sa musique, unique. Le gros problème ici est que ça tient plus de ce que j’ai pu écrire dans l’introduction que d’un imaginaire réellement mature et ambitieux. A de rares exceptions près, quand il reste sur les territoires maîtrisés par le groupe, il sonne donc comme un album un peu à côté de la plaque (à moins que ce ne soit moi qui le soit pour le coup) et, forcément, décevant. Bref, en un mot comme en cent, la déception est à la hauteur de l’attente : immense.
Sortie le 15 juin chez Season Of Mist et chez tous les disquaires en deuil.