[dropcap]L'[/dropcap]année 2019 n’est pas encore terminée et jusqu’au bout elle nous aura réservé son lot de surprises et surtout de merveilles, le point culminant résidant en cet automne froid, pâle et morose. Moment propice à la sortie du douzième album studio de Tindersticks, chez City Slang/Lucky Dog, arrivant à point nommé pour réchauffer nos âmes en peine : No Treasure But Hope, un voyage intime et immédiat, baigné de la lumière du désespoir comme exutoire nécessaire au monde qui nous entoure, une forme de refuge bienveillant, quelque part entre Ithaque et ailleurs.
Près de trente ans de carrière pour la bande de Stuart Staples, et pourtant une énergie sans cesse renouvelée. Et pour cause, deux époques caractérisent le groupe, qui a vu sa formation originelle renaître après 2003 et Waiting For The Moon, avec l’arrivée autour de Staples, Boulter et Fraser, de deux nouveaux membres, Dan Mckinna (Multi instrumentiste) et Earl Harvin Jr. (Percussions).
Dix ans donc pour s’apprivoiser les uns les autres et s’approcher du sublime, comme avec le magistral The Waiting Room en 2016 (chronique du camarade David à relire ICI).
Tindersticks, c’est aussi des bandes originales de films, principalement avec Claire Denis, depuis 1996, et les projets solo de Stuart Staples, dont le dernier date de l’année dernière, Arrhythmia ; un univers cinématographique que ce nouvel opus vient bousculer de plein fouet.
No Treasure But Hope, un album ancré dans la magie de l’instant, résultat d’un long cheminement créatif qui a conduit le groupe à se retrouver en toute intimité autour d’un projet inédit dans la démarche : un album enregistré en seulement six jours entre Paris et Londres, avec le moins de prises possibles, afin de préserver la spontanéité du live. Un processus à rebours du schéma habituel, comme l’explique Staples :
« Les deux derniers albums ont été construits au fil du temps jusqu’à se terminer dans notre studio. Quand nous avons trouvé comment présenter ces chansons en live, différentes choses leur sont arrivées, elles ont énormément évolué. Cette fois-ci, nous voulions inverser cela – faire quelque chose qui était de s’engager à écrire et chanter une chanson ensemble à un moment précis. »
Un résultat à la hauteur de leurs ambitions, No Treasure But Hope saisit à merveille l’essence des Tindersticks, insufflant à leur musique un air de spontanéité et la sensation de redécouvrir un groupe soudé autour d’une même envie : explorer de nouveaux horizons, ensemble. Un voyage qui a pris forme à Ithaque, en Grèce, dans la maison de Stuart Staples où il a écrit les textes à l’automne 2018 : « Les gens ici disent qu’Ithaque est la fin de votre voyage, » commente-t-il. « Une destination finale… », ne serait-ce pas plutôt le point de départ d’une nouvelle aventure pour le groupe ?
Dès les premières notes, Tindersticks nous emmène dans l’intimité de leur studio parisien, à la recherche de la beauté, une poésie de l’instant qui s’effeuille en touches de piano délicates, référence hasardeuse à Satie, sublimées par la voix éthérée de Staples avant que les cordes ne viennent enrober l’ensemble de teintes féériques. Une mélancolie lumineuse, car dans le désespoir, la joie peut être douloureuse, comme cette fleur de pissenlit qui apparaît à certains moments dans le clip, métaphore de la vie, éphémère, et pour laquelle il faut se battre pour se sentir vivant, les mots tels des mantras : Just to feel, to love, to live, to try, to feel, to live, to love, to try.
Et dès ce moment, nous savons que le voyage sera intérieur et sensoriel, car à partir de cette entrée en matière magnifique, nous avons envie de continuer l’exploration de l’âme humaine. Le second titre, The Amputees, qui est aussi le premier single de l’album, prend un virage plus enjoué, sur un texte qui pourtant l’est beaucoup moins, amputé d’une partie de nous-mêmes, état de manque avéré, et le besoin de faire tourner cette douce ritournelle 60’s encore et encore.
Le précieux Trees Fall nous rappelle que nous sommes bien en présence d’un album de Tindersticks, avec une orchestration tout en finesse et élégance, et ce son qui n’appartient qu’à eux, une identité propre et reconnaissable aux premières notes. La voix de crooner de Staples prend de l’ampleur, et il semblerait qu’elle soit beaucoup plus nuancée qu’à l’accoutumé, le privilège de l’âge peut-être, de l’expérience et des vécus, qui construisent les fondements d’une certaine mélancolie, ne cédant jamais à la nostalgie.
Un titre qui contraste avec le doux Pinky in the Daylight, toute mandoline dehors ou peut-être tout bouzouki dehors, après tout nous sommes en Grèce. Sublime chanson d’amour, sans équivoque, Staples filme en super 8, la douceur de vivre à Ithaque, mais surtout la lumière de sa vie en la personne de Suzanne Osborne, sa femme : Pinky in the daylight / Crimson at night / How I love you / (Yeah, I love you). Et pour la première fois sans doute, un amour inconditionnel, sans « mais », entier, absolu… l’émotion est intense, de bout en bout, elle ne nous lâche jamais, en touches de roses colorés.
Arrivé à mi-parcours de l’album, nous embarquons sur un Carousel, une boucle apaisante aux arrangements minimalistes, l’œuvre de McKinna. Une pause salutaire dans ce torrent existentiel, morceau le plus contemplatif de l’album, le moment de faire un point sur ce qui a été et qui continue de vivre au creux de nous : Chances taken, good times used / Good times used.
La boucle apaisante ne finit pas de tourner avec le sublime Take Care in Your Dreams, passage essentiel ne manquant pas de nous rappeler que quoi il arrive dans nos vies, nous nous devons de préserver ce en quoi nous croyons le plus et ne jamais en déroger : You must listen to your heart. Suivre une seule direction, celle de nos rêves les plus profonds, et rebondir : That’s when you learn to be strong.
Alors à ce stade de l’album, l’élan existentialiste semble plus que présent, car nous sommes acteur de notre avenir et de notre devenir, et c’est une chose que Staples saisit de manière évidente, ce qui, et je m’autorise le « je », me touche au plus au point, cet album, un élan salutaire en ces moments particuliers.
C’est ainsi que surgit le morceau le plus atypique de la discographie de Tindersticks, et par extension de cet album, See My Girls, avec cette rythmique arabisante, hypnotique, un tour du monde musical qui finit par nous ramener à Ithaque, comme Ulysse au cours de son long périple – référence notable que les copains de Fanfare ont exploré avec brio – tout conduit en ce lieu, fin du voyage : And they dream of returning to this little island / The most beautiful island in this world.
La route se poursuit dans un dialogue père-fils, enchaînant les plages chantées et parlées, au son de la mer, le roulis des vagues, sur l’introspectif The old Mans Gait. Sur Tough Love, il est question de l’amour qui désire s’exprimer au-delà du temps, se renouveler dans ce qu’il a pu montrer, signifier, être, donner : So tell me what he said / Show me what he did / What he said and what he did / Take me to that man I was.
Nous arrivons à la fin de ce parcours initiatique, sur le morceau éponyme, No Treasure but Hope, après être passé par tous les doutes possibles, nos interrogations profondes sur la vie, le monde, l’amour, toujours autour du piano, essence fédératrice de la composition de cet album, dépouillement de l’âme. Et finalement dans le tumulte du monde il ne nous reste plus que l’espoir, avec comme seule fuite possible, aller de l’avant : The trick is the escaping. Le chemin est long avant de trouver la sérénité, notre narrateur l’a sans doute approché, à la lumière de ses expériences, la clé réside sans doute là : le vécu.
Avec No Treasure But Hope, Tindersticks réussit le pari de se renouveler et de donner un nouvel élan à une carrière pourtant exemplaire, en signant un album magistral et sublime du début à la fin. Le temps de ces dix titres, ils nous invitent à faire un voyage au creux de nous-mêmes, une boucle lumineuse et sombre à la fois aux relents mélancoliques, avec la beauté comme point de départ à cette quête existentialiste qui nous conduit inexorablement vers l’espoir, en forme de trésor !
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No Treasure But Hope de Tindersticks
Disponible depuis le 15 novembre 2019 chez City Slang/PIAS.
EN CONCERT EN FRANCE :
31 janvier à Paris – Salle Pleyel // 27 février à Rennes – TNB (La Route du Rock Hiver) // 28 février à Nantes – Le Lieu Unique (Milieu du Monde) // 29 février à Nantes – Le Lieu Unique (Milieu du Monde) // 01er mars à La Rochelle – La Sirène // 03 mars à Fouesnant – L’Archipel // 04 mars à Hérouville – Comédie de Caen // 05 mars à Evreux – Le Tangram // 06 mars à Orléans – L’Astrolabe // 07 mars à Arras – Tandem // 09 mars à Besançon – La Rodia // 10 mars à Grenoble – La Belle Electrique // 11 mars à Nimes – Paloma // 12 mars à Toulouse – Métronome // 13 mars à Bordeaux – Le Pin Galant.
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