Plusieurs années après la tragique disparition de ses parents dans un accident de voiture, survenu alors qu’elle n’avait que huit ans, la narratrice entreprend de dresser le portrait des deux défunts. S’appuyant sur sa mémoire et sur les photos dont elle dispose, elle décrit leur amour, d’une puissance impressionnante, leurs disputes, revit certaines scènes en pensée, évoque l’argent qui brûlait les doigts de son père, souvent absent, parle de sa mère, actrice, du pouvoir de séduction de ces personnages lumineux et de leur absence, qui la blesse, jour après jour. Elle raconte comment composer avec le manque et le deuil, comment se comporter avec les autres pour ne pas attirer l’attention ni susciter la pitié, à quoi ressemble la peur de l’avenir pour un enfant privé de ses parents et les souhaits qu’elle formulait alors pour ne plus être meurtrie.
La narratrice nourrit un certain fétichisme à l’égard des objets, qu’elle conserve avec soin car ils lui rappellent les disparus, mais combien de temps vont-ils pouvoir les maintenir en vie ? Elle évoque également l’odeur de son père, qu’elle peine à se rappeler, le chagrin qui ne se dissipera jamais et ces parents qu’on dépasse en âge et auxquels on ressemble, même si l’on a grandi en se construisant sans ces modèles indispensables.
Malgré la tristesse qui sourd de son récit, Céline Milliat Baumgartner évite joliment l’écueil du pathos, en distillant parfaitement les doses d’émotion tout au long du texte. Elle traite de l’enfance et des rapports filiaux avec beaucoup de justesse, et son écriture brille par sa délicatesse et sa pudeur. Grâce à ce style extrêmement évocateur, elle donne aux images personnelles issues de sa mémoire un caractère immédiatement universel.
Je guette le monstre du placard, le ronron du chat, je réveille mon frère, j’appelle ma mère pour un dernier baiser, pour qu’elle fasse glisser son ongle sur la paume de ma main, pour un pipi, pour lui dire un secret, parce que j’ai trop chaud, trop peur, mal au cœur, pas sommeil, puis mon père encore et encore, même quand il n’est pas là, puis ma mère une nouvelle fois, une dernière fois par pitié, pour qu’elle m’apporte un verre d’eau, j’ai trop soif au secours, jusqu’à ce qu’elle me dise épuisée, à bout : « Mais comment tu feras quand on ne sera plus là ? »
Emporté dès les premières pages du livre, le lecteur assiste à la création d’un portrait méticuleux de la mère et du père, partis trop tôt, portrait profondément touchant qui, par transparence, nous offre celui de la narratrice en fillette capricieuse et jalouse, puis en jeune femme déterminée à ne pas laisser s’évaporer les souvenirs qui empêchent ses parents de disparaître complètement. Sensible, émouvant, lucide et jamais désespéré, Les Bijoux de pacotille est un premier roman qu’on lit avec passion, d’une traite, et qu’on aimerait partager avec tous ceux qui nous sont chers – y compris nos disparus.
Céline Milliat Baumgartner, Les Bijoux de pacotille, éditions Arléa, février 2015
Je pensais lire un bon livre mais je me suis ennuyée, je m’attendais à autre chose
Récit trop banal malgré l’empathie que l’on peut ressentir pour la narratrice