Cette année encore, le festival Les Utopiales de Nantes proposait une multitude d’expériences artistiques et scientifiques. Comme l’avait dit Roland Lehoucq à une précédente inauguration, le festival est certes frustrant, car il est impossible de tout y voir, mais toujours enrichissant. De mon côté je suis allé voir les projections cinématographiques. Plusieurs styles, pour tous les goûts avec des pépites à la clé. Je vous propose mon palmarès (totalement subjectif) des Utopiales 2015.
Prix du meilleur documentaire : The Visit : une rencontre extraterrestre de Michael Madsen (2015)
Meilleur documentaire mais aussi meilleur film parmi tous ceux que j’ai pu voir aux Utopiales cette année. The Visit propose une « expérience » de pensée inédite sur la forme et sur le fond. Deuxième long métrage du danois Michael Madsen (pas l’acteur de Reservoir Dogs). L’association nantaise Accès au Cinéma Invisible avait projeté le 10 Décembre 2014 son premier documentaire : Into Eternity. Ce film proposait déjà une mise en scène très propre et immersive d’un sujet impressionnant : Comment prévenir les générations futures de la présence d’un site d’enfouissement capable de contenir des déchets radioactifs, jusqu’à ce que les déchets ne soient plus radioactifs, c’est-à-dire pour une durée de 100 000 ans ? Question scientifique et existentielle, donc.
Le sujet de The visit est tout aussi captivant : Comment ferons-nous pour accueillir une forme de vie intelligente venue de l’espace ? Le film questionne de manière très sérieuse, proposant ce scénario comme réalité à des hommes politiques et des scientifiques qui réagissent chacun à leur manière. Il explore ainsi notre réaction face à l’inconnu, à ce qui est étranger au savoir humain. Il dresse le portrait, à travers des témoignages, d’une humanité en proie au doute sur ses capacités à communiquer et à dresser un portrait de ce qu’elle est. Ce film qui ne sera malheureusement visible qu’en séance spéciale est une interrogation sur l’être humain. Confronté à ce qu’il ne connaît pas, il doit apprendre à se connaître soi-même.
Prix du la meilleure comédie : Moonwalkers d’ Antoine Bardou-Jacquet (2015)
Un premier film réussi pour Antoine Bardou-Jacquet, qui a d’ailleurs remporté le Prix du Public dans la compétition officielle des Utopiales. Il signe ici une comédie agréablement délirante. Le synopsis du film part d’une célèbre théorie : Stanley Kubrick aurait tourné les images des premiers pas de l’homme sur la Lune. Ron Perlman joue le rôle de Kidman, agent de la C.I .A. qui part en Angleterre pour voir l’agent du réalisateur. Sa mission, lui demander que Kubrick tourne en studio les images que verra la terre entière si la mission Apollo 11 échoue. Finalement, il se retrouve face à un agent d’un minable groupe de rock qui n’arrive pas à percer. Ce dernier, joué par Rupert Grint que l’on a découvert dans la saga Harry Potter, se fait passer pour le véritable agent de Kubrick. Durant la projection, le public riait aux éclats, couvrant parfois la bande son. Un film effectivement très drôle dont les acteurs excellent dans leurs rôles de losers magnifiques. Le film sera dans les salles le 6 Janvier prochain.
Prix du film le plus étrange : Le cri du sorcier de Jerzy Skolimowski (1978)
Skolimowski fait partie du nouveau cinéma polonais qui, dans les années 60, verra apparaître des grands réalisateurs comme Andrzej Wajda, Krysztof Kiéslowski ou encore le plus connu d’entre eux Roman Polanski. Tout comme le réalisateur de Rosemary’s Baby, Jerzy Skolimowski est passé par la prestigieuse école de cinéma de Lódz et continuera sa carrière dans un autre pays. Le Cri du Sorcier est tourné huit ans après son film culte Deep End, mais le style de Skolimowski est toujours là.
Il s’agit de l’histoire du couple Fielding dont le mari Anthony – interprété par John Hurt – est organiste à l’église d’un village du comté de Devon. Il est aussi expérimentateur en sons de toutes sortes. Il vit paisiblement avec sa femme Rachel – Susanah York – jusqu’à ce que Charles Crossley débarque chez eux. Ce mystérieux personnage, interprété par Alan Bates, affirme qu’il a passé 18 années avec les aborigènes. Il y aurait acquis le pouvoir de pousser un cri meurtrier. Anthony Fielding est évidemment intrigué par cet étrange pouvoir sonore.
Ce qui rend le film singulier, au-delà de l’histoire racontée, est que l’étrangeté du sorcier contamine le film. La mise en scène devient plus étonnante encore, utilisant des distorsions sonores et temporelles qui laissent le spectateur fasciné et angoissé. Le Cri du Sorcier est sans doute le film le plus atypique de la rétrospective proposée par le festival.
Prix du film culte : Blade Runner de Ridley Scott (1982)
En plus d’être le film préféré du président du festival, Roland Lehoucq, Blade Runner est une référence dans le genre de la science fiction. Cette adaptation du livre Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques de Philip K Dick, était proposée ici en copie neuve sur le grand écran de la salle Dune. Un grand plaisir pour les cinéphiles réunis en masse pour suivre Rick Deckard et les Nexus 6. Il existe sept versions du film, soit autant de possibilités d’interprétations à ce qui est déjà la déclinaison d’une œuvre complexe et riche.
Au final, c’est Lucile Hadzihalilovic qui remporta le Grand Prix du Jury. Son film me laisse perplexe et un peu amer. Il ne figure donc pas dans mon palmarès. Le festival terminé, nous n’avons plus qu’à hiberner pendant un an en attendant de retrouver l’année prochaine les cosplayers, auteurs et autres fans de science-fiction. Et avec eux, le futur…