[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]hhhhhhhhhhhhhh les tops de fin d’année ! Ce moment particulier où votre cheffe vous oblige, canon sur la tempe, à faire votre introspection musicale dès le mois de février, où vous vous anxiétez dès le mois de janvier, en état d’hyper-vigilance dans l’espoir de ne pas passer à côté d’une merveille. Ce moment où, au final, vous trouvez la pépite à la toute fin du dernier acte de l’année en cours, l’invité surprise que vous n’attendiez plus. Pour 2021, il déboule sans crier gare en novembre, grâce à la sagacité d’Okraïna Records.
Qui ?
Ben Pritchard.
Ahhhhh mais ouiiii, il est connu, il a déjà sorti quelques disques dans les 90’s, notamment avec Etienne Daho, Daniel Darc ou plus récemment Frédéric Lo.
Alors non : Ben. Pas Bill.
Très légèrement moins connu que Bill, Ben aurait pu se distinguer, entre 2001 et 2006, en supportant l’atrabilaire Mark E Smith chez The Fall en tant que guitariste et en contribuant à l’élaboration de trois albums (Are You Are Missing Winner, Country On The Click et Interim). La collaboration, si elle avait existé, aurait laissé quelques traces, au point qu’il lui aurait fallu quasiment une décennie pour s’en remettre et donner de ses nouvelles. Il aurait pu mais non. Car ce Ben là n’a plus rien fait après son départ de The Fall. Son homonyme, celui qui nous intéresse donc là maintenant, sort en 2015 A Drawn Out Line, bouteille à la mer d’une rare austérité, à faire passer le second Palace Brothers pour un disque de La Compagnie Créole sous protoxyde d’azote. Les guitares y sont à peine accordées, les cordes crissent sous les doigts, chaque note attaque l’os entre deux silences, à quelques encâblures d’un Loren Mazzacane Connors, la voix tremble, fragile, quasi Johnstonienne, mais il se dégage de cette cassette brute, mal dégrossie, une pureté, une minéralité qui rendent ces vingt minutes atemporelles. En tous les cas, sa cassette a titillé les oreilles du boss d’Okraïna Records qui le signe et sort aujourd’hui ce magnifique Up In Air. Ben Pritchard le conçoit en 2020, en débauchant deux musiciens (Otto Wilberg à la contrebasse et Sholto Dobie au Table Organ) et assurant seul le reste des instruments.
Dès les premières secondes, Glow Line vise le cœur et sonne comme un classique : une batterie lessivée, une guitare à peine accordée à qui on a viré trois cordes inutiles, une slide, une voix traînante, une mélodie qui se prend régulièrement les pieds dans le tapis mais se rattrape à chaque fois et là, en à peine quatre minutes, c’est toute la lo-fi/slacker des 90‘s, dans ce qu’elle a de plus touchant, qui vous revient au visage. La suite, 4 1/2, instrumental dépouillé ayant pour toile de fond le silence et quelques Field Recordings, définira le second axe de ce grand disque : fragilité, austérité, expérimentation et dissonance.
Up In Air puisera sans cesse dans l’un et l’autre de ces axes pour construire ses miniatures, édifices instables, entre luxuriance hasardeuse, folk décharné et musique concrète (on s’en approche dangereusement sur l’instrumental 11th April). En cela, Up In Air flirte souvent avec l’épure naturaliste d’un Mark Hollis (Instruments For A par exemple), cette constante recherche de la note juste, du silence. On peut également convoquer dans son dénuement l’aridité mélancolique d’un Mount Eerie, ou dans ce chant légèrement atone et ces arpèges, l’ombre de Richard Youngs. Pour autant, ces références, aussi prestigieuses voire accablantes soient-elles, ne terniront pas la beauté très personnelle d’Up In Air, diamant brut qu’aurait rêvé de créer Lee Mavers des La’s. Voici un disque qu’on jurerait enregistré dans une cuisine, ne gommant rien de ses défauts, dans lequel aucun instrument, jusqu’à la voix, n’est accordé, mais où tout sonne terriblement juste, faisant de ses fragilités une force inouïe. Un disque insupportablement émouvant pour qui recherche la perfection.
Un grand disque en somme.
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Up In Air – Ben Pritchard
Okraïna Records – 17 Novembre 2021
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Image bandeau : Ben Pritchard -Sholto Dobie / Laurent Orseau / 2018