[mks_dropcap style= »letter » size= »80″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]Q[/mks_dropcap]uel lecteur ne connaît pas cette immense écrivaine afro-américaine qu’est Toni Morrison ? Née le 18 février 1931 en Ohio, cette grande dame des lettres a plus d’une corde à son arc : romancière, essayiste, critique littéraire, dramaturge, librettiste, professeur de littérature et éditrice !
Lauréate du prix Pulitzer en 1988 pour le remarquable Beloved, roman qui a fait connaître Toni Morrison aux lecteurs français en 1989, sa notoriété américaine était venue dix ans plus tôt en l’espace de deux romans : Sula (1973) et Le Chant de Salomon (1977). Toni écrivit son premier roman, The Bluest Eye (1970), à l’âge de 39 ans. Récompensée le 7 octobre 1993 par le prestigieux prix Nobel de littérature, qui salue l’ensemble d’une œuvre, elle est à ce jour la huitième femme et le seul auteur afro-américain à avoir reçu cette distinction.
L’Académie suédoise la récompense ainsi car « son art romanesque, caractérisé par une puissante imagination et une riche expressivité, brosse un tableau vivant d’une face essentielle de la réalité américaine. » (…) « On ne peut qu’être séduit par sa remarquable technique narrative qui porte la marque d’un esprit original, même si l’on peut en déceler les racines chez Faulkner et les Américains des États du Sud. ».
Née dans une famille ouvrière de quatre enfants, Toni Morrison s’intéresse très tôt à la littérature et se passionne en particulier pour les œuvres de Jane Austen et de Léon Tolstoï. Elle s’inscrit à l’Université d’Howard en 1949 pour étudier la littérature et obtient sa thèse en 1953. Après son diplôme, elle entame une carrière de professeur à l’Université de Texas Southern, avant de retourner à Howard, alors « réservée » aux Noirs.
Deux enfants et un divorce plus tard, elle s’installe à Syracuse dans les années 60 puis à New York, et travaille comme éditrice chez Random House. Chargée du secteur de la littérature noire, elle contribue à sa promotion, en éditant notamment les autobiographies de Mohamed Ali et Angela Davis et une anthologie d’écrivains noirs, The Black Book, en 1973. Parallèlement, elle enseigne l’anglais à l’Université d’État de New York, avant d’obtenir un poste de professeur de littérature à l’Université de Princeton où elle reste en activité jusqu’en 2006.
À cette même date, le jury du supplément littéraire du New York Times consacre Beloved « meilleur roman de ces 25 dernières années ». Le roman a par ailleurs été adapté au cinéma en 1998 par Jonathan Demme avec Oprah Winfrey, Danny Glover et Thandie Newton dans les rôles principaux.
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Toni Morrison a donné un nouveau souffle à la littérature américaine de la seconde moitié du XXe siècle et aux lettres afro-américaines en particulier. La plupart de ses romans sont empreints d’un réalisme magique inhérent aux croyances et aux mythes afro-américains, et décrivent la misère des Noirs aux États-Unis depuis le début du XXe siècle.
Remarquable conteuse, Toni Morrison dévide les fils de la mémoire d’un peuple déraciné, brisé, dont elle recompose l’histoire tragique au fil d’une œuvre dense, puissante et polyphonique. Restituant les voix, les coutumes et souffrances des afro-américains, elle dresse un portrait sans concession de l’esclavage et du ségrégationnisme américains.
Elle met en lumière les laissés-pour-compte, les déshérités, évoquant les difficultés de la communauté noire qui, outre le racisme et la pauvreté, se voit déchirée entre l’héritage culturel des ancêtres, les traumatismes profonds qu’elle porte et le modèle de promotion sociale des Blancs. Puisant son inspiration dans le jazz, l’oralité, l’argot et la culture populaire, son œuvre est sans doute une des plus puissantes, des plus remarquables et singulières qui soit.
Tous ses ouvrages sont disponibles chez Bourgois et dans la collection de poche 10-18.