[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#CF5B11″]W[/mks_dropcap]estern crépusculaire et dernière incursion du genre pour Clint Eastwood qui confirme aussi avec Impitoyable qu’il est un grand réalisateur de son temps, laissant pour une fois la place aux autres acteur(ices) autour lui.
Dans ce dix-neuvième siècle finissant, la glorieuse ère de la conquête de l’ouest est révolue. Celle du western aussi. Les shérifs règnent sur des petites villes pacifiées alors que les vieux pistoleros sont à la retraite depuis longtemps, remplacés par des gamins rêveurs et des vieillards mythomanes. La modernité semble inévitable à l’aube du nouveau siècle. Même dans cette région désolée des hautes plaines le chemin de fer est présent. En filigrane le récit évoque également l’émergence du tissu multiculturel américain. Un melting-pot qui se développe inévitablement avec ses minorités invisibles, les ouvriers chinois des voies ferrés, et d’autres plus ou moins intégrées comme le personnage de Morgan Freeman, ancien camarade (et esclave affranchi) de Clint Eastwood, reconverti dans l’agriculture avec sa femme amérindienne.
Pour autant la permanence des marginaux est toujours de rigueur. On pense aux hors-la-loi mais aussi aux prostituées, (incarnées entre autres ici par Frances Fisher), figure obligatoire des westerns via les traditionnelles scènes de saloon, mais dont la représentation fut souvent péjorative. Eastwood en fait l’élément déclencheur, l’une d’entre elles est sauvagement torturée par des cow-boys sadiques. Insatisfaites de la trop grande miséricorde du shérif (Gene Hackman), elles exigent le prix du sang, motivant l’arrivée des chasseurs de primes dans une ville jusqu’ici apaisée. Le personnage d’Eastwood, une ancienne terreur de l’ouest devenu un père de famille, veuf, et éleveur de cochons est attiré par la prime.
Ce film n’est ensuite que la longue démythification de l’anti-héros eastwoodien. Las, âgé, cet archétype à fait son temps et est désormais incapable de tirer ou de grimper à cheval, ces principaux ornements. Les affrontements sont redoutés et finalement laborieux. On tue sa cible planqué derrière un rocher, la laissant agoniser, ou bien quand celle-ci va aux toilettes. Des grandiloquents exploits passés de Clint, métaphoriquement ceux accomplis dans les westerns spaghettis de Sergio Leone, seuls quelques bribes sont évoquées. Ce dernier répétant inlassablement qu’il était ivre la plupart du temps, le western se réveille en pleine gueule de bois.
Dès lors, à travers le personnage de Saul Rubinek, les hagiographes commencent à fixer les récits. Néanmoins ces histoires, comme celle d’English Bob (Richard Harris), sont souvent de pures fabrications, à l’image de l’adage Fordien « When the legend become facts, print the legend » de L’Homme qui tua Liberty Valance. Tout dans ce film raconte la fin de ce vieux monde, notamment la très belle photographie de Jack N. Green qui sublime ces paysages écrasants. Durant le dernier baroud d’honneur qui clôt le métrage, le mythe est réactivé une ultime fois en rejouant une énième fois le motif de la vengeance. Cependant le justicier victorieux à dégénéré en monstre, en un spectre qui s’enfonce dans une nuit éternelle.