[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]E[/mks_dropcap]n retard, en décembre 2017, je vous parlais d’un livre sorti en août : Petites reines de Jimmy Lévy, premier roman incroyable.
Août 2018 et voilà déjà cet auteur de retour avec Adoration, toujours aux éditions du Cherche midi.
Un peu inquiet, j’en commence la lecture. J’avais beaucoup aimé Petites reines. Peur d’être déçu, de ne pas retrouver la singularité qui m’avait séduit. Peine perdue. L’écriture est toujours là. Le style, ce qui fait que Lévy ne ressemble pas à un autre écrivain. La violence aussi à la fois dans ses thèmes et dans sa façon de les développer. C’est cela qui m’impressionne le plus avec lui. Qu’il parle d’une tribu ancestrale ou d’une femme moderne, de combat ou d’amour, il m’emporte dans ses phrases scandées, parfois très courtes, d’autres fois plus longues, ses mots inconnus (avoir un dictionnaire à côté de soi peut s’avérer utile) ou les assonances qui rythment son texte
Dans ce couloir, je ne sais pas encore que je fonce vers mon passé, à tombeau ouvert. … Le passé comme avenir. Le passé dont les souillures purifient. Le sale qui lave jusqu’à la pâleur originelle. A whiter shade of pale.
Adoration est l’autopsie d’une passion, d’un amour terrible mais aussi d’une souffrance extraordinaire.
Le narrateur aime L. Elle le lui rend bien, en tout cas au début de leur histoire, avant qu’une pathologie, dont le nom n’est pas dit, ne dévaste tout. Autant L. que le narrateur.
Jimmy Lévy raconte la passion d’avant la maladie, bien cachée par L., les rendez-vous secrets, les choses qu’il n’a pas voulu voir, les petits signes alertant qu’il ignore consciencieusement. Tout cela pour tomber avec L.
Je ne sais pas si je raconte une passion ou une défaite. Ou si ce n’est pas la même chose.
Interminable passion du pâtir. Déflagrations du fragmentaire. Marcher sur une mine antipersonnel. Danser immobile sur une bombe. Attendre la détonation qui va déchiqueter. Je ne sais pas ce qui m’a pris de faire ce pas.
Tout sent la défaite dès les premières pages d’Adoration. La défaite et la souffrance. La suite ne contredira pas ce début.
Le narrateur va nous décrire sur environ 160 pages la souffrance de L., sa folie, sa maigreur, ses médicaments ainsi que sa façon à lui d’éviter la noyade.
On plonge complètement avec le narrateur dans cette histoire de passion et de déchirements. Impossible de lâcher le livre, lu en une après-midi avec une ou deux pauses de quelques minutes quand c’est trop dur, quand on est trop atteint personnellement.
Mais même pendant ces petites pauses, L. et le narrateur ne nous lâchent pas. Alors on y retourne, comme lui d’ailleurs retourne toujours vers L.
En deux romans, Jimmy Lévy, à sa façon singulière, devient un auteur qui compte pour moi, un auteur qui m’emprisonne.
Tu comprends que depuis des années, depuis le premier instant peut-être, depuis le couloir, le spectre initial, depuis la rue de Seine, les librairies, elle est ta garde à vue. Elle garde ta vue de voir autre chose qu’elle. Tes œillères adorées. Ton couloir infini.