[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]O[/mks_dropcap]u comment un claviériste essentiellement connu pour sa participation à Nine Inch Nails signe l’un des disques les plus beaux et les plus touchants de 2017 dans la mouvance Ambient. Alessandro Cortini se forge un nom avec le superbe Avanti après avoir retrouvé de vieux enregistrements audios et vidéos familiaux.
La musique électronique a parfois une certaine froideur désincarnée, l’affirmation d’une humanité en souffrance, la conceptualisation de la machine qui prend le dessus. Mais quand elle s’efforce de devenir la bande son de nos battements de cœur, elle sait devenir d’une singularité profonde. On pourrait ici parler de Tim Hecker, de Hammock comme autant d’affirmations de l’intime et de l’introspection. Est-ce parce que ces musiques jouent sur des fréquences que le fœtus perçoit, pelotonné dans la matrice, que nos réactions sont à ce point viscérales ?
Alessandro Cortini avec Avanti fait office de travail de restauration de la mémoire, les souvenirs de sa famille et de son enfance à travers de longues complaintes habitées de voix et d’images. Bien sûr, on pensera parfois à Brian Eno, à Popol Vuh ou Tangerine Dream mais comme Tim Hecker, Cortini échafaude ses structures entre dissonance et lente évaporation des espaces. Une quiétude dans la nuisance sonore, c’est tout le centre de ce projet. Ou comment relancer le pouls d’un Prométhée endormi.
Ambient, Avanti l’est assurément. Mais dans ce cas un noise ambient discordant et plaintif, comme une caresse sèche et éprouvante, une musique de l’enfance. Un peu comme une boîte à musique qui nous entraînait dans le sommeil et que l’on redécouvre, poussiéreuse et délaissée depuis tellement longtemps que l’on avait oublié. On pourra penser à Thomas Meluch alias Benoit Pioulard ou encore Leyland Kirby de The Caretaker pour ce même rapport à brouiller les espaces-temps, à travailler les bandes analogiques pour en faire des pistes indatables, pour exprimer la mélancolie d’un instant que l’on n’a pas vécu, la tristesse anticipée de la perte de demain.
Henk Hofstede des Nits disait dans The House sur Hat :
« I saw the pictures of the family still young
And I knew they were all dead and gone ».
Avanti est de ce territoire, l’exhumation d’un passé, la résurrection de photos animées meurtries par le temps. Lentement, on revoit la démarche pesante de Grand-Père, le chant éraillé de son épouse, vos premiers pas hésitants.
C’est une œuvre essentielle, pleine et totale que cet Avanti, une œuvre à la fois visuelle mais qui se suffit sans ses images, sonore qui vit par elle-même, un acte sensible et émouvant.
Assurément l’un des grands grands disques d’ambient de 2017.