Dans La colère et l’envie, Alice Renard signe un premier roman surprenant qui ne laisse pas indifférent. Avec sa construction narrative singulière, trois formes d’écriture qui se succèdent pour aborder Isor dans sa différence. Cette jeune fille n’est pas comme tout le monde. Mutique, elle vit dans son monde, ne communique avec personne. Certains la disent attardée, peut être un trouble autistique. Un balai de spécialistes se penche sur son cas, les avis différent mais on ne trouve pas la solution.
« « Isor a tracé ce cercle autour de nous (involontairement ?). À l’intérieur, elle a tressé ce qui était naturel, avec ce que ce qui était inouï, ce qu’il fallait faire avec ce qu’il ne fallait pas faire, elle a bouleversé la norme et l’évidence en les faisant glisser vers son invraisemblance et son improbable à elle. Elle a commencé à nous faire vivre là-dedans en nous faisant digérer ses évidence. On nous soustrayant du réel. »»
─ Alice Renard, La Colère et l’envie
La première partie du livre est un dialogue entre les parents d’Isor qui crient leur désarroi, leur incapacité à échanger avec leur fille, l’abandon de tout lien social, les amis, le travail à mi-temps, pour s’occuper d’elle. Une tristesse, une déception, une fatigue transpirent dans les mots du père comme de la mère. Ce qui les unit encore c’est un lien tenu, leur profond amour pour Isor, cette joie de découvrir un soupçon de d’interaction.
Étonnamment dans la deuxième partie Isor qui fait des petites fugues sans conséquence à quelques pas de la maison, trouve refuge chez un vieux monsieur, voisin de la famille. Il s’appelle Lucien, c’est un photographe à la retraite de 76 ans qui vit une existence solitaire. Sa quiétude est donc perturbée par l’arrivée de cette étrange jeune fille. Contre toute attente, l’homme parvient à nouer un lien avec Isor. Il faut dire que celui-ci a le cœur sur la main, une patience de chaque instant. Une alchimie insoupçonnée se noue par magie entre eux. Les parents d’Isor rencontrent ce vieil homme. Réticents au départ, ils leur font confiance. Lui il découvre un couple épuisé qui a besoin de souffler.
La troisième partie est une réelle surprise que nous dévoilerons pas ici, c’est complétement inattendu, on découvre Isor sur un jour étonnant. Un drame survient et Isor se transforme.
C’est un court texte qui aborde avec justesse et sensibilité une forme de handicap qui ne dit pas son nom mais qui peut affecter le quotidien de nombreuses personnes qui y sont confrontées. Il y a une poussée d’optimisme qui transparait entre les lignes, un espoir, un appel à la patience, l’empathie, le secours de l’entourage quand on est dans une impasse. La fiction fait que invraisemblable peut intervenir si on se laisse porter par l’intrigue, se dire que cela peut fonctionner ainsi, et que l’on décide d’y croire après tout. Le début du livre donne à lire une situation sombre, un tableau difficile, sans appel et irréversible. Et pourtant, une ode à la vie renverse cet état de chose. Une bouffée de positivisme qui fait un bien fou, nous sommes enchantés par cette fable du quotidien et la singularité d’Isor qui devient une force.