[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]utant le dire, il y a un mystère Naas Alcameth : comment un musicien de sa trempe peut-il sortir avec Nightbringer ou Bestia Arcana de bons disques certes, mais en deçà de son talent, et ne sortir quasiment que des chefs-d’œuvre quand il opère en solo ?
Souvenez-vous, il y a quatre ans je m’étais abondamment épanché sur The Dreaming I, second disque d’Akhlys, un des plus grands albums de Black Metal de la décennie. Pas moins.
Aujourd’hui, sous le patronyme d’Aoratos (traduction d’invisible en grec), il sort un Gods Without Name presque égal à The Dreaming I, autant dire un autre chef-d’œuvre.
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″][/mks_dropcap]éanmoins, juste au-dessus, vous remarquerez ce presque, faisant toute la différence. Pourquoi ? parce que, même si le projet est issu du même cerveau malade, beaucoup d’éléments diffèrent entre Akhlys et Aoratos. Déjà, Akhlys, c’était un projet solo soutenu aux fûts par Ain. Aoratos par contre, c’est Alcameth plus Nox Corvus (Bestia + Nightbringer) et Menthor (Nightbringer) aux fûts. Ce qui, vous en conviendrait, change quelque peu la donne et oriente Gods Without Name vers un autre terrain. Ensuite, Akhlys, c’était un équilibre précaire et passionnant entre chaos d’une rare puissance et dark ambient, se conjuguant à une thématique mystique. En près de 3/4 d’heure (et cinq morceaux), Alcameth prenait le temps de développer son propos en nous emmenant sur des terrains inconfortables entre terreur pure, giclées de violence ahurissantes et spiritualité inattendue.
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]hez Aoratos, si on retrouve sa patte, à base de violence cinglante (plus primitive encore ici), les velléités dark ambient (qu’on retrouve tout de même sur Prayer Of Abjection) se sont presque tues au profit d’une tension bien plus palpable (et qui n’a de cesse d’augmenter jusqu’à Prayer). Et, de ce fait, il faut un certain talent pour rendre cette violence acceptable. Pour ce faire, Alcameth va user d’une technique imparable : ajouter une dimension cinématographique à son propos. Aussi, pendant près de 3/4 d’heure, si vous fermez les yeux et restez concentré, se déroule sous vos yeux un film d’épouvante d’une rare qualité avec une intro plutôt calme mais un déroulé implacable, bloc de terreur aux ambiances cauchemardesques, ne laissant place à aucun répit, virant parfois au gothique façon Burton (Thresher) et surtout course contre la montre haletante ne prenant fin qu’à Prayer où l’effroi fait place au désespoir avec Dread Spirit Of The Place, climax de ce grand disque.
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]à, le rythme se ralentit enfin, le chant se fait plus guttural, les mouvements plus lents, le silence s’invite avec en arrière fond une dissonance troublante. Gods Without Name s’enlise alors dans un désespoir, dont il essaie de s’extirper à plusieurs reprises, dans lequel vous vous retrouvez prisonnier et vous entraîne inexorablement dans sa chute. Il ne reste alors plus qu’une chose à faire à Alcameth : vous ramasser à la petite cuillère avec une outro identique ou presque à l’intro et établir ainsi un cercle vicieux duquel il vous sera très difficile de vous extraire. Bref, entrer dans Gods Without Name, c’est entrer dans une boucle dont vous ne saurez à aucun moment si vous parviendrez ou non à en sortir.
Bienvenue en enfer donc.