Art Rock ou la particularité de jongler avec les catégories multiculturelles à la fois populaires et exigeantes (musique, art de rue, danse, films, expositions, gastronomie et cette année le thème de la mode).
Saint-Brieuc qui depuis 32 éditions se permet quelques effervescences redonnant de l’entrain à un centre ville habituellement rongé par une sinistrose grandissante… La ferveur des festivaliers venus rencontrer le souffle des artistes au cœur de la cité briochine.
Pour la soirée du vendredi, direction la place Poulain Corbion. Au menu la fille, sœur, nièce des autres… Izia ultra sexy dans son mini short en cuir. Une prestation agitée. Une rage reptilienne évidente bien aidée par des musiciens au diapason. Loin d’être forcément ma came mais d’évidence, question allumage du public c’est réussi.
Enchaînement avec la pop électronique de The Dø : pour faire rapide ce fut un véritable massacre. Soucis colossal de balances et post réglage non assumés avec des vibrations venant noyer le chant d’Olivia Merilahti. Elle aura beau tenter les gesticulations en mode karatéka de l’espace, c’est totalement inaudible et je me demande encore comment j’ai bien pu supporter aussi longtemps un tel supplice pour les oreilles. Afin d’atténuer tout de même mon propos, je vous invite à replonger dans l’album Shake Shooke Shaken. La délivrance studio me réconciliant tout de même avec le groupe indie pop (voir ici notre chronique addictive).
Ils étaient grandement attendus. La tête d’affiche du festival. Placebo devenu albums après albums une sorte de dinosaure de l’émo pop-rock. Ayant suivi et adoré le groupe dès leurs débuts, ayant vécu avec plaisir quelques prestations hautes en couleur de la part de la bande à Molko, je ne pouvais bouder mon plaisir de les retrouver aussi proches de mes pénates. Public impatient qui s’exclame sur le mashup Pure Morning / Svefn-G-Englar (Sigur Ros). Le show est carré, ultra pro mais manque cruellement d’âme. La setlist fait grande part aux dernières compositions même si je ne peux renier un évident plaisir sur l’incontournable Every You Every Me, la bonne surprise Black-Eyed, la réorchestration subtile sur Special Needs, les redoutables émotions saturées de Twenty Years, le très accrocheur Meds… Le groupe est en pilotage automatique. Le nouveau batteur comme le reste de la troupe fait son job mais rien de plus. La réanimation des fans friands de tubes se fera en fin de parcours avec les inusables Special K et The Bitter End. Moment quelque peu gâché par une kyrielle de smartphones venus se dresser dans les airs (triste époque que cette foule digitale)… Un rappel télécommandé avec notamment une reprise bien connue de Kate Bush et au final le sentiment d’avoir été quelque peu floué par des apparences trompeuses. Les plus enjoués parleront d’expérience technique époustouflante, les plus féroces critiqueront un groupe dont le lointain passé était bien plus spontané et sauvage. J’ai bien envie d’être en accord avec les deux visions. La machine est devenue trop grosse même si le pouvoir d’attraction reste de mise… Blasé mais néanmoins nostalgique ?
Pour ne pas repartir avec ce goût d’inachevé, c’est la nuit qui nous retient et forcément en tant qu’autochtone on s’attaque au debrief avec les amis autour d’un verre (en Bretagne c’est forcément chacun sa tournée). En habillage sonore de cet « after » bien arrosé, on retiendra le mix dynamisé et éclectique du sympathique Julien Tiné.
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Concernant la deuxième journée de l’évènement costarmoricain, il me faudra user de prouesses en haute voltige pour vous en dresser un compte rendu objectif. En fait, l’affiche du samedi n’étant pas des plus alléchantes, il me faudra bifurquer sans trop me forcer sur la scène alternative concoctée par Dandy Rock Le Shop. L’occasion de retrouver la place Haute du Chai avec au programme de la fin d’après-midi le rock percutant de Smooth Motion. Comme un retour vers le futur d’une jeune classe inspirée par les riffs de Jimi Page et les accords de Ray Manzarek.
L’ambiance sera par contre shoegaze avec Venera 4, groupe parisien à la mixité intégrale (2 garçons, 2 filles) aux variations atonales gonflées par un mur d’effets non dépourvu d’inspirations mélodiques. De la pop bruitiste et délicate comme j’en raffole.
Vous dire alors que c’est par un « micro trottoir » que j’appris le flop du défilé imaginé par Jean-Charles de Castelbajac. Dixit les personnes rencontrées, un déroulement inadapté aux conditions d’une scène destinée habituellement à un certain classicisme musical… Vous préciser tout de même que la révélation du festival aura été sans doute la prestation poétique et remarquée (mais pas par moi) de Flavien Berger. Addict Culture vous parlait de ce nouvel espoir de la scène française ici-même.
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Dimanche après-midi, changement d’humeur. C’est le Théâtre de La Passerelle qui fait salle comble. Sur le plateau, les jumelles d’Ibeyi dont je vous avais parlé en ces mots à l’occasion de la sortie de leur premier album d’excellente facture. Il est là le petit supplément qui anime la prestation du vivant : dans l’exécution concrète des choses, dans l’osmose qui émane de ces sœurs aussi complémentaires que charmantes. Des racines chantées en mode a capela aux émotions modernes d’un titre aussi prenant qu’Oya, revu et corrigé ici à la sauce du live. Les percussions traditionnelles, humaines qui alternent avec beats électroniques et autres nappes captivantes. Un ensemble qui met en exergue la dualité de leur soul. Là où certains se plantent par trop de calcul, ces filles-là se mettent l’assistance dans la poche. Savante alchimie avec la contribution des spectateurs pour une version interactive de River. Ovation méritée !
Concert apothéose alors que fut celui de Dominique A. Une qualité sonore superbe, une voix qui attise les dithyrambiques qualificatifs. Je pensais à tort à une séquence « sénatoriale », il faut dire que les sièges bien rembourrés et l’heure de la sieste s’y prêtaient bien. Erreur ! Les titres s’enchainent de façon musclée. Il y a, bien entendu, les titres du dernier opus – évoqué en nos colonnes ici – (Cap Farvel, Au Revoir Mon Amour, Semana Santa, L’Océan, Eleor … pour n’évoquer que les plus marquants) mais également le bonheur de retrouver une certaine frénésie sur Revenir au monde ou Rendez-nous La Lumière. Question lightshow justement, la mise en valeur des acteurs est élégante et se marie parfaitement aux changements de rythmique. Sans vouloir dénigrer les propos d’un pigiste de canard local, il n’y a point ici de platitude rock. L’énergie est évidente mais elle se met au service de paroles qui touchent l’auditeur attentif. Moments intenses sur Immortels ou encore Music-Hall avec une allusion au passage à la genèse du titre (une interview d’Alain Bashung évoquant la musique de Miossec) …
Le ‘sieur Ané s’excuse presque de devoir accorder sa guitare et par une pirouette caustique ironise sur les suceurs de bandes préenregistrées. Les acolytes qui l’accompagnent sont sur la même exécution palpable. L’assistance alors debout et tellement ravie de se dégourdir les jambes pour Le Courage des Oiseaux. Le rappel ne se limitera pas à la portion congrue. Du très intimiste Marina Tsvetaïeva aux remontés revigorantes de Retrouvailles. En point de mire L’Horizon. Récital quasi parfait pour un moment de classe intense. Le point d’orgue rêvé pour conclure cet énième festival à demeure.