[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]D[/mks_dropcap]eux E.P en quatre ans, huit ou neuf morceaux au total selon les comptages : c’est certain, niveau rendement, Azerty fait figure de tortue arthritique par rapport à King Wizzard and the Lizard Wizard, qui en sont à cinq albums pour la seule année 2017, et autres reptiles hyper productifs.
Trois ans après l’inaugural Jalhay, il faudra donc se contenter d’un deuxième moyen format. Cinq titres, dont la troisième version des Drunk Frans en mode recueilli et un We Had A Lovely Home qui développe sur deux minutes un détail du premier titre, My Love, ça paraît peu. Mais le groupe belge a manifestement choisi de n’offrir aux yeux du monde que la crème de ses trouvailles, après l’avoir polie et bichonnée.
Azerty, dont les membres sont originaires pour partie d’Arlon, dans la province du Luxembourg, et pour partie de Bruxelles, forgent un croisement a priori peu original de pop, de folk et de chanson, mais offrent une version panoramique et souple de cet idiome.
Ils le pimentent d’astuces qui ajoutent du plaisir au plaisir (la trompette de My Love nous ramène irrésistiblement vers celle de Things You’ll Keep de The Apartments). Mais ce qu’aiment surtout Pierre Leroy, Arnaud Clément et Ludovic Bouteligier, le truc qui les fait vraiment vibrer, c’est l’harmonie vocale, le chant choral à l’unisson ou en canon, dont ils truffent toutes leurs compositions tels des Mamas And Garfunkel ou des Simon And The Papas modernes, et tirent un nectar exquis relevé par la prise de son, magnifique.
L’intervention des voix de Viviane Deprez et Manon Waterschoot, succédant à Aurélie Muller (Melon Galia, Soy Un Caballo) et Catherine De Biasio, jumelle de Mélanie, apporte une fraîcheur supplémentaire à l’exercice.
Il ne faudrait pas se fier à leur abord détendu, ni au combo barbe ou moustache – lunettes qui est leur marque visuelle aussi sympathique et chaleureuse qu’anecdotique : Azerty fait preuve, notamment dans le morceau titre, d’une finesse redoutable dans la structure de ses compositions, capable de faire dévier une mélodie, de l’enrichir, et de toujours la ramener à bon port. La leçon d’un groupe comme Grizzly Bear n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd, même si on pense aussi encore à l’occasion aux Fleet Foxes dans la faune qui peuple les références du groupe.
L’autre challenge réussi de ce second EP est le passage à la langue française sur deux titres, puisque Jalhay ne comprenait que des titres chantés en anglais. Le groupe franchit le cap haut la main, passée la légère appréhension relative à la « variétisation » du contenu. Il permet en tout cas à Pierre Leroy de s’amuser avec son prénom sur Les Cailloux (forcément). Et les membres du groupe sont polyvalents puisque Pierre et Ludovic se sont occupés du visuel du disque et Vivian Allard, le bassiste, du mixage.
Ces cailloux, loin d’être ceux disposés dans les chaussures du marcheur mélomane pour lui rendre l’effort pénible, sont des jalons semés pour permettre aux auditeurs de retrouver leur chemin vers le plaisir de l’écoute, et à Azerty, peut-être, de dépasser les frontière wallonnes.
Les Cailloux de Azerty
paru le 22 octobre 2017 sur leur Bandcam.