[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#3d4f91″]B[/mks_dropcap]aptiste Beaulieu, ancien interne à l’hôpital d’Auch, n’a pas son pareil pour raconter des histoires. À la différence d’un romancier, les siennes sont authentiques puisque nourries de son quotidien aux Urgences. Partagées sur un blog en 2012, puis dans un ouvrage paru chez Fayard en 2013, les voici adaptées en BD chez Rue de Sèvres.
Le livre est découpé en 7 chapitres, comme les 7 jours d’une semaine, illustrés et mis en nuances de couleurs par Dominique Mermoux. Chaque jour vécu au cœur des Urgences apporte son lot de surprises, bonnes ou tragiques. Ainsi donc, les anecdotes s’enchaînent comme autant de tranches de vie avec parfois, quand les limites de la médecine sont atteintes, la parole et de délicates attentions pour atténuer la douleur et partir en douceur.
Le destin de la femme « Oiseau de feu », une patiente âgée d’une cinquantaine d’années, constitue le fil conducteur de la bande-dessinée. Occupante de la chambre 7 du 5e étage, elle attend la visite de son fils, bloqué dans un aéroport islandais à la suite de l’éruption d’un volcan. En attendant, Baptiste Beaulieu vient la voir dès qu’il peut, lui racontant sa vie, professionnelle beaucoup, personnelle et intime parfois aussi. C’est que le jeune interne s’est donné pour mission d’égayer le quotidien et de satisfaire la curiosité de cette femme qui, avant son traitement, arborait une magnifique tignasse rousse.
Ainsi donc, il lui livre les mésaventures de ses collègues et nous décrit une galerie de personnages gaffeurs, joyeux et confiants ou gueulards et déprimés. Le jour 2, par exemple, nous rions avec Léa alias Frottis, qui découvre ahurie que M. Fer avale régulièrement la pilule pour pallier le manque de sérieux de sa femme en matière de contraception…
Le jour 5, nous pleurons avec Blanche, qui vient d’assister au décès de Mme Kelly Goldgrass, 54 ans, grande dame, grande classe, fidèle sujet de sa Majesté. Alors que sa famille présente à ses côtés depuis trois jours venait de sortir, Mme Goldgrass avait pris la main de Blanche en lui disant, juste avant de tourner la tête et s’endormir pour toujours, « je ne voulais pas qu’ils assistent à ça… »
Si les patients ne sont pas des héros, Baptiste Beaulieu s’efforce de les rendre tous attachants et, sous le vernis des visages déformés par la douleur et la maladie, terriblement humains et courageux. C’est d’autant plus vrai quand ils ont aussi à subir la méchanceté et l’égoïsme de leur entourage. Il en est ainsi de Mme Ariane, victime d’un méningiome frontal, qui se retrouve aux Urgences la veille de Noël car sa famille avait assurément besoin d’une chambre pour loger des amis…
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On ne sort pas indemne de la lecture de cette BD, qui nous donne à voir l’envers d’un décor que nous jugeons parfois trop vite à l’aulne de plusieurs heures d’attente dans un hall d’accueil surpeuplé et bruyant. Il y a donc urgence à découvrir cet ouvrage, instructif et plaisant malgré la dramaturgie de certaines situations, loin de tout pathos et de toute caricature. Du reste, le livre s’ouvre sur une tentative de suicide et se referme sur une naissance.
Il n’y a pas de hasard. Juste la vie.