[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]M[/mks_dropcap]on engouement pour Bat For Lashes remonte au début Juin 2008. Une rencontre à l’occasion d’une première partie assurée pour Radiohead. Exercice périlleux que d’ouvrir pour un tel groupe mastodonte. Le charme fut évident au delà du rapprochement tarte à la crème avec la célébrissime diva islandaise que tout le monde aura reconnu.
La suite de l’aventure fut belle avec un arrimage remarqué via un troisième album où une Natasha Khan mise à nue décrochait quelques étoiles grâce au très poignant Laura.
Il fallait donc une suite au moins à la hauteur pour un opus aussi attendu que redouté par les fans. Difficile de se renouveler sans se trahir une fois passé un certain cap. L’artiste anglo-pakistanaise pouvait néanmoins compter sur la gente masculine pendue à son aura tel le loup de Tex Avery.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L'[/mks_dropcap]intéressée ose cette fois-ci l’album concept avec des noces qui vont vite virer au cauchemar. La lune de miel se fera sans le cher et tendre suite à un accident fatal. Je vous laisse imaginer l’ambiance funèbre pour la toute jeune veuve. On ne va pas se mentir, avec un tel pitch le contenu n’augure pas d’une farouche gaieté.
La célébration partait pourtant sur une note légère avec le céleste I Do. Une apesanteur qui contraste volontairement avec la suite, une entame déchirante à souhait au titre de l’introspection finale.
Les nuages annonciateurs du triste sort se font solennels et faussement apaisés sur les nappes suaves de Joe’s Dream.
Il y a des pleurs d’émotion, un amour débordant qui se manifeste en ce jour béni. Les cœurs palpitent avec allégresse au son des timbales… et pourtant la peur vous envahit malgré tout, venant perturber la sérénité de l’instant précieux. Une prémonition. Le bonheur total devient suspect. Les visions de lendemains qui déchantent apparaissent.
Bat For Lashes renoue avec la sublime odyssée dans cet exercice thématique qui aurait pu bifurquer dans les virages menant au total fiasco. Il n’en est rien car s’il y a bien un élément que nous ne pouvons réfuter, c’est cette faculté à chanter d’un timbre aussi clair qu’élégant. J’entends déjà les détracteurs me parler de guimauve insipide. Ils se trompent fortement car s’il est évident que la dame ne masque pas ses capacités, je préfère la démarche à celle de ces interprètes s’exprimant bouche cousue avec la suffisance de l’auto censure ridicule.
Musicalement, la performance est en soutien de la posture inventive. Les titres de The Bride sont parfaitement tournés dans leurs fantasmes naturels et modernes. Les vocalises de Natasha Khan ne gâchant en aucune manière la subtilité des harmonies paradoxalement anti dépressives.
Il est sans doute là le grand bécarre de l’album : parvenir à s’extraire d’un terrain a priori morbide à l’aide d’une musicalité toujours aussi fraîche.
Bat For Lashes ne tombe pas dans le panneau du « pathos » avec des effets larmoyants mais, au contraire, met en exergue une sublimation des sentiments mêlés. L’auditeur attentif accrochera au procédé par mimétisme compatissant. Il y a une épaisseur burtonienne dans le récit, cette propension à noircir les traits d’une comédie musicale aigre et douce à la fois sans que l’on puisse appréhender la ligne de démarcation entre le drame et la catharsis de l’irréel.
La preuve en est avec In God’s House où la narratrice présente le grand marionnettiste comme l’impulsion de vibrations aussi magiques que féroces.
Le feu de la vie nourrissant les flammes de la mort est une allégorie symptomatique d’une érosion électronique de la divine providence.
Le début de la quatrième piste fredonne le crissement des pneus avant que la solitude ne s’empare du contexte avec fracas et douleur. Un basculement représenté par un mode mineur descendu d’inspirations tragiques. Honeymooning Alone aura sans doute été nourri de cette collaboration intrigante avec le groupe Toy bien connu pour ses gammes psychédéliques et rocailleuses (cf par ailleurs le side project Sexwitch).
A ce titre, notez en 2013 le featuring gravé dans le marbre d’un single intitulé… The Bride.
La boucle est bouclée concernant la genèse du projet.
Avec Sunday Love, notre amie revient au classicisme stylisé de ses premiers hits. Le noyau de la nouvelle production peut de ce tremplin s’engouffrer dans la méditation tantôt crépusculaire tantôt en recherche d’un second souffle retenu. Le fil conducteur reste imprégné par le blues éclatant de la belle.
Dans l’exécution de Close Encounters, je ne peux m’empêcher de relever la filiation avec la grande Kate Bush. Un parallèle qui explose sur les brumes psalmodiées de Widow’s Peak, morceau qui se veut le passage obligé dans les méandres du deuil. Le murmure est la clé qui permettra d’ouvrir un nouveau champ des possibles. Prétentieuse quête dont l’audace séraphique sera récompensée à son terme par une certaine emphase respectueuse.
Les arpèges se font discrets au sein de cette unité de ton, la mise en relief vocale s’en trouve habilement plus aboutie que jamais.
Il y a au bout du chemin cet espoir qui renaît malgré la lourdeur du moment. Le piano se fait à nouveau tranquille pour If I Knew qui transcende l’idée même du chagrin comme exutoire à l’insoutenable détresse.
Natasha Khan et son personnage incarné escaladent humblement le pari de la résurgence. L’addition est remarquable car non intellectualisée au delà de l’appropriation sincère. Les aigus se parent d’une métamorphose aérienne non absconse avant que le quasi point d’orgue ne traverse l’espace sur un I Will Love Again qui vous transporte au delà de tous les maux (même les plus intenses)
L’Amour encore et toujours, malgré tout !
L’album déjà dans les bacs depuis le mois de Juin chez Parlophone.
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