[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]P[/mks_dropcap]endant longtemps, le blues a été l’apanage des seuls anglo-saxons, via ses allers retours entre les Etats-Unis et l’Angleterre, initiés notamment par la vague du British blues boom des 60’s. Il est devenu un genre très normé qui peine aujourd’hui à se renouveler. Heureusement, depuis quelques années, le blues est revenu à ses racines, c’est à dire en Afrique. En effet, une nouvelle vague et notamment de blues touareg qui renouvelle le genre nous arrive du Niger, du Mali, du désert.
Cette déferlante a d’abord été initiée par des groupes comme Tinariwen, parrains historique du genre puis par Terakaft ou Tamikrest et aujourd’hui débarquent Songhoy blues, Imarhan et enfin Bombino.
Il y a cette incroyable vidéo de Bombino à Agadez au Niger en 2010, en plein désert, qui donne déjà tout l’aperçu du talent de l’homme et qui va populariser le musicien sur internet et par extension mondialement.
Omara “Bombino” Moctar débarque dans les bacs mondiaux un beau jour de 2011 avec son véritable premier album, Agadez, distribué plus largement que ses précédents et surtout plus largement remarqué, à tel point que Dan Auerbach des Black Keys, produira son deuxième album. Bombino est un as de la guitare, un peu facilement nommé, mais à juste titre, le Hendrix touareg. Il a l’art de créer une rythmique puissante qui tient le morceau pour ne plus le lâcher. Son style musical, est à la croisée des genres, blues, rock, mais aussi, reggae et funky.
Bombino se produit depuis 2011 et enflamme les scènes du monde entier, car c’est aussi un formidable groupe de scène, capable de jouer 2h d’affilée dans dans une frénésie infernale. Il chante et écrit dans sa langue natale, le tamasheq, la langue touareg, et nous raconte ce que subissent les peuples nomades du désert. Sa guitare est son arme.
Son nouvel album, Deran, le 4e, sort le 18 mai chez Partisan records, comme le précédent et c’est toujours aussi bon. Enregistré au Maroc, en 10 jours à Casablanca, c’est la première fois en 10 ans que Bombino enregistre en Afrique.
Dès le premier morceau, Imajghane, on est parti sur les sonorités typiques de la guitare de Bombino, avec ce rythme rock mais aussi métissé, traversé de reggae et parcouru de solos stupéfiants. Et dès ce morceau, Bombino évoque un sujet qui lui tient à cœur, le peuple touareg.
On retrouve cette structure typique de sa pratique sur des morceaux comme Tenesse ou Deran Deran traversé de rythmes chaloupés, avec cette guitare lead, et son final tout en guitares saturées et ses vocaux qui répondent à son chant, tel un dialogue musical.
Bombino, c’est avant tout un groupe, avec une rythmique d’enfer, un groove infernal notamment grâce à son puissant batteur, dont la frappe imprègne chaque morceau.
Bombino sait faire parler et rugir les guitares, mais il sait aussi la jouer acoustique et mélancolique sur des morceaux dépouillés comme Midiwan ou Adounia Idagh, nous renvoyant quelque part vers l’album Unledded de Page et Plant (Led Zeppelin) et ses expériences orientalisantes.
Tehigren, qui sert de premier single à cet album, nous offre un morceau en deux parties, avec un riff fort sympathique décliné en première partie, puis une bascule très rock qui nous rappelle que Bombino est un sacré prodige de la guitare.
Bombino, n’est pas qu’un formidable guitariste, c’est aussi une voix envoutante, de magnifiques chœurs masculins et des chambres d’écho bien maitrisées qui emballent parfaitement les chansons et leur donnent ce timbre si particulier. Il faut souligner son talent de compositeur, car il sait aussi trousser des chansons simples, emballantes et sautillantes comme Oulhin, une belle chanson d’amour.
Tamasheq est assez représentatif du style de Bombino, un rythme entrainant, des chœurs emballants, des youyous, et un riff de guitare entêtant, et toujours cette rythmique chaloupée, à la limite du reggae, -d’ailleurs, sa bio officielle nomme cela du Touareggae- voilà un morceau qui donne envie de se dandiner à n’en plus finir, un morceau qu’on écouterait bien en boucle.
Sur Takamba, pas de chants, ici, c’est la guitare qui s’exprime via une bonne grosse réverb, des youyous et quelques ajouts discrets de guitares rythmiques et surtout de superbes solos.
Adouagh Chegren clôt l’album assez sobrement, orné d’une guitare acoustique et d’un djembé et nous rappelle que la musique, les chansons, les textes de Bombino sont aussi une invitation au voyage, à la réflexion, à la paix.
Bombino nous livre une nouvelle pépite groovy et un bel album de blues touareg une fois de plus. Il est actuellement en tournée et sera bientôt de passage en France, ne le loupez pas sur scène.