[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]J[/mks_dropcap]e vais vous faire un aveu : je n’aime pas voire déteste les compilations.
Que voulez-vous, je suis juste un vieux con, adepte du long format, du fait qu’un musicien, au travers d’un album, cherche à vous raconter une histoire, à se mettre à nu ou encore à vous décrire un paysage particulier, unique. Alors, vous pensez bien : découpez l’œuvre d’un artiste, en choisir les morceaux les plus « représentatifs » (en terme commercial bien évidemment) au détriment du musicien en question, très peu pour moi.
Bien sûr, il y a un peu de mauvaise foi dans cette pseudo-confession.
Parce qu’il existe des musiciens pour qui la compilation est le matériau idéal pour mettre en valeur l’élégance de leurs compositions (coup d’œil vers Souchon dont le génie mélodique tient difficilement la route sur tout un disque). Pour d’autres, elle peut également avoir valeur de manifeste, d’archive historique, dès le moment où, derrière, il y a un travail de recherche, une vision, donnant à l’ensemble une cohésion digne de certains grands disques (Je pense en particulier au formidable projet initié par Rocé, Par Les Damné.e.s De La Terre #Des Voix De Luttes 1969-1988).
Bien évidemment, La Ola Interior rentre dans la seconde catégorie, celle des compilations indispensables. Le but est de mettre en avant toute la créativité d’une scène dont nous ne soupçonnions même pas la richesse : l’électro/ambient espagnole des années 80. Ok, j’en vois là sur le côté qui se marrent, prêts à se dire : Electro, d’accord, Ambient, pourquoi pas ? Mais alors Espagnol, c’est juste pas possible et 80’s, là, on nage en plein surréalisme. C’est sûr que, à l’orée de ce qu’on connaît de la musique espagnole des 80’s (les Gipsy Kings, Mecano, Julio Iglesias, Paco et consorts), se dire qu’il y avait une scène électro/ambient à la même époque relève presque de la mythomanie.
Pour autant, il y a trois ans, le label Bongo Joe, avec La Contra Ola, avait envoyé un signal fort quant au bouillonnement musical qui régnait en Espagne à la fin des 70’s début 80’s. Cette compilation, explorant le versant punk/synthwave de la musique Ibérique, faisait voler en éclat tous les clichés qu’on pouvait avoir de cette scène et montrait qu’elle pouvait tenir la dragée haute aux concurrents Anglo-saxons.
Aujourd’hui, avec La Ola Interior, Bongo Joe met la barre encore plus haute. Bon, je ne reprendrai pas le livret fourni avec le vinyle, d’une brillante exhaustivité et incondensable en moins de 4 pages mais la sélection proposée par Loïc Diaz Rondasidère par sa créativité et sa modernité. Il a choisi de mettre en lumière treize artistes, sur vingt morceaux, adeptes du DIY, de la cassette et acteurs principaux de la scène underground Espagnole. Qui dit adepte du DIY et de la cassette dit, forcément, économie de moyens. Néanmoins, à l’écoute de La Ola Interior, l’auditeur se rend vite compte que ce less is more est un véritable moteur pour stimuler l’ingéniosité et la créativité des auteurs. Quelque soit le cadre choisi, vignette expressionniste pour Mecanica Popular ou Mataparda, longue plage ambient pour Jabir, quelque soit le champ d’expérimentation, le doux capharnaüm de Camino Al Desvan, chacun trouvera une voie d’accessibilité aux chemins plus ou moins escarpés proposés sur ces quatre faces. Cela passera par une mélancolie poignante préfigurant les recherches de Maeror Triou Troum (Malaguenas de Javier Segura), un doux concassage mélodique évoquant Aphex Twin (Orféon Gagarin), une étonnante progression vers le minimalisme et l’épure (Victor Nubla), des boucles hypnotiques (Miguel A Ruiz) puisant vers les racines Berbères (Esplendor Geométrico, digne d’un Mullah Saïd de Muslimgauze) ou Africaines (le superbe Hombres Lluvia).
Chaque pièce de ce panorama est comme une bulle à travers laquelle nous sommes spectateurs de l’évolution d’un monde, parfois très riche, parfois bref, souvent déroutant. Déroutant parce qu’au fond, le temps ne semble pas avoir de prise sur ces miniatures, parce que, s’il nous est possible d’en saisir les origines (Wyatt, la Kosmiche Music, un peu de world, de dub), il nous est presque impossible de les dater. Et ce pour une simple raison : aucun de ses auteurs ici n’est véritablement ancré dans son époque. Comme Eno, Budd et quelques autres visionnaires électro/ambient, leur création s’inscrit dans la postérité plus que dans un présent volatile. Au point que, trente voire quarante ans plus tard, quand l’auditeur découvre ces merveilles, il reste scotché devant cette intemporalité, cette intime conviction d’écouter des classiques immédiats.
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]E[/mks_dropcap]n somme, à travers cette sélection impeccable, Loïc Diaz Ronda réussit haut la main son boulot de Frankenstein : à savoir livrer un disque d’une très belle cohésion et surtout, surtout, vous donner l’envie d’explorer encore plus cette épatante scène musicale pour en ressortir d’autres pépites. Pour faire simple : mission accomplie avec brio et titre à l’avenant : vous ressortez de cette sélection secoué de l’intérieur.
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La Ola Interior
Bongo Joe Records – 5 Mars 2021
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Image bandeau : Elis Gras / Service Presse / Bongo Joe