Retrouvez les brèves de lecture de l’équipe de chroniqueurs littéraires. L’occasion de revenir sur des lectures marquantes de ces derniers mois
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Le choix de Catherine
Les Ardomphes – Gilles Verdet
Paru chez Gingko éditeur, 2021
[dropcap]L[/dropcap]es Ardomphes, qu’est-ce que c’est que ça ? Une plante rare ? Un insecte nuisible ? Ne cherchez pas davantage, c’est le petit nom que Rimbaud donnait à sa région natale des Ardennes. Gilles Verdet aime bien Rimbaud : on se rappelle que dans son roman Voici venu le temps des assassins (paru chez Jigal en 2015), le poète tenait déjà un rôle important. Dans Les Ardomphes, le personnage principal, Richard, est SDF. Et bientôt, sa vie faite de siestes au soleil dans le meilleur des cas, de vagabondages, de nuits incertaines, de chasse aux objets ramassés et revendus, va être la proie du monde des nantis. D’une photographe en vogue, qui en fait le personnage principal d’une campagne de pub. D’un producteur de radio qui, régulièrement, reçoit d’une source mystérieuse un épisode de la vie de Richard et le transforme aussitôt en podcast à succès.
Gilles Verdet fait encore une fois la preuve de son savoir faire de sculpteur de mots, construit une version à multiples perspectives de cette histoire étrange où le réel et la fiction voisinent, s’entrecroisent, tout comme les personnages. Des personnages qui n’auraient jamais dû se rencontrer, des lieux, comme l’hôtel des Ardennes, où se nouent des intrigues secrètes et dérisoires. Un roman virtuose, un plaisir de lecture inouï, une langue qui joue à cache-cache avec le texte et l’intrigue, Les Ardomphes étonne et ravit.
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Le choix de GringoPimento
Le Cahier volé à Vinkovci – Dragan Velikic traduit par Maria Bejanovska
Paru chez Agullo éditions, février 2021
[dropcap]L[/dropcap]es éditions Agullo explorent depuis déjà plusieurs années les œuvres romanesques d’auteurs des pays de l’est. Voici un nouveau venu, Dragan Velikic, un Serbe, né à Belgrade.
Le cahier volé à Vinkovci a obtenu un prix important en Serbie.
Roman sensoriel, roman sur la mère et son importance dans la vie de son fils. Celui ci raconte sa mère, ses qualités, ses excès (nombreux), ses manques, son influence. Il s’interroge à propos des lieux qu’on traverse dans notre vie, sur leur histoire et celle de ceux qui nous précèdent. C’est une interrogation sur le temps qui passe. Aussi sur l’histoire d’un pays vue à travers ses habitants : la Yougoslavie et ce qu’elle est devenue, morcelée.
Le point de départ du roman est le cahier que tenait la mère de l’auteur. Elle y notait de manière obsessionnelle tous les lieux visités par sa famille et elle, notamment les hôtels. Malheureusement, lors d’un voyage à Vinkovci, ce cahier et d’autres biens de la famille sont volés. La mère ne fera jamais le deuil du cahier, se lamentera de sa perte jusqu’à la fin de sa vie.
De là naît peut-être la vocation d’écrivain de Dragan Velikic, car il se mettra à tout noter, lui aussi, de manière compulsive. Allant jusqu’à raconter la vie de sa famille dans cette œuvre, ce qui lui vaudra les foudres de sa sœur.
Le cahier volé à Vinkovci est un très beau roman, triste et gai à la fois, qui nous fait voyager mais nous pousse aussi dans nos retranchements en évoquant la vie d’une famille. C’est en tout cas une belle aventure de lecture !
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Les choix de Marion
Les Danseurs de l’aube – Marie Charrel
Paru aux éditions de l’Observatoire, janvier 2021
[dropcap]E[/dropcap]n juin 1914 naissent deux jumeaux, Maria et Sylvin Rubinstein. Enfants d’un duc russe et d’une danseuse juive, ils sont contraints de fuir la révolution russe jusqu’en Pologne. Inséparables, ils vont rapidement révéler un talent exceptionnel pour la danse et le flamenco. Les tournées internationales s’enchaînent, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. La déportation de Maria va tout faire basculer et Sylvin va développer une haine incommensurable des nazis. Déjà engagé dans la résistance, il se travestit en femme pour entreprendre des actions de plus en plus meurtrières
Les personnages vous semblent fascinants ? C’est aussi ce que pensent nos deux héros : Lukas, jeune homme androgyne qui se questionne sur son identité, et Iva, une rom contrainte à fuir la Hongrie à cause de ses origines. Tous deux sont également unis par l’amour de la danse, et décident de se lancer sur les traces de ces incroyables jumeaux …
Les Danseurs de l’aube est un beau roman qui s’intéresse à deux figures oubliées de l’Histoire, mais on aurait tort de considérer uniquement son aspect historique. C’est un récit qui interroge l’acceptation de soi et l’acceptation de la différence, où passé et présent se répondent et finissent par s’entrelacer. C’est enfin un texte qui sublime la danse et la transforme en véritable combat pour trouver sa voie.
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L’Appel du cacatoès noir – John Danalis, traduit par Nadine Gassie
Paru aux éditions Marchialy, 2021
[dropcap]À[/dropcap] 40 ans, John Danalis reprend ses études. Australien, il s’intéresse notamment à l’histoire aborigène. En échangeant avec sa classe, il révèle que depuis sa naissance, il a grandi avec un crâne aborigène dans son salon. C’est en prononçant cette phrase qu’il se rend compte de l’absurdité et de l’horreur de cette situation. Vivre avec des restes humains en guise de bibelots ? Par culpabilité et désir de justice, il va entamer les démarches afin de rendre “Mary” à son peuple. Il va plonger dans l’histoire des aborigènes australiens, faire face au racisme qu’ils subissent quotidiennement et réaliser l’injustice dont ils sont victimes dans leur propre pays. Il devra mettre de côté les préjugés qu’il a inconsciemment intériorisés pour pouvoir découvrir une culture qu’il connaît finalement très peu. Un long périple de déconstruction, qui lui permettra de s’ouvrir à un peuple très attaché à ses traditions et sa spiritualité et de rencontrer des personnalités incroyables.
Comme toujours aux éditions Marchialy, il s’agit d’un roman-témoignage. L’histoire de John Danalis est réelle, et elle n’en est que plus intéressante. Il faut savoir que le cas de l’auteur n’est pas isolé, et que les différentes tribus, pour qui cherchent à retrouver les restes de leurs ancêtres, pillés par le reste du monde. Rien qu’au British Museum, de nombreux squelettes aborigènes dorment dans des tiroirs, loin de leur terre d’origine.
La parole se libère de plus en plus sur ce qu’on subit les Amérindiens il n’y a pas si longtemps, mais on entend encore très peu parler des aborigènes australiens, et ça a été un plaisir pour moi d’en apprendre plus avec ce roman, que ce soit sur leur histoire ou leur culture.
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Le choix d’Adrien
Chasser les ombres – Lamia Berrada-Berca
Paru chez Do, janvier 2021
[dropcap]D[/dropcap]ans Chasser les ombres, Lamia Berrada-Berca raconte une histoire de confinement volontaire. En cette période de pandémie, ce texte nous parle étrangement, faisant résonner notre réalité avec une autre. C’est celle des hikikomoris (personnes ayant choisi l’isolement) dont le fils de Lucas et Miki, Akito, fait partie. Il s’est enfermé et cela provoque une remise en question du couple franco-japonais. En France, le père de Lucas, Louis, vit ses derniers instants en cherchant à joindre Lucas et avoir des nouvelles de son petit-fils. Au crépuscule de sa vie, c’est comme s’il pressentait le drame qui se joue dans la famille de son fils.
Avec délicatesse, Lamia Berrada-Berca fait de Chasser les ombres le récit de ce que lie les êtres entre eux. Un travail en finesse qui n’échappe pas aux clichés des thèmes abordés. Mais il faut saluer ce travail fictionnel qui invite plus à la réflexion qu’à la rêverie exotique. Ce cas d’hikikomori provoque un effet domino où chaque personnage cherchera à se comprendre soi-même. Le style de l’autrice arrive à nous happer par sa sincérité. On sent que Lamia Berrada-Berca a beaucoup de tendresse pour l’imaginaire qu’elle crée.
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Le choix de Thierry
Le bruit de la liberté – Frédérique Germanaud
Paru chez La Clé à molette, 2020
[dropcap]Q[/dropcap]ui a lu et aimé le Journal pauvre (2018) de Frédérique Germanaud, découvrira avec le même plaisir, Le bruit de la liberté, son pendant fictif, dans un double jeu mêlant malignement la réalité et l’invention narrative. Dans Journal pauvre, l’auteure, qui a décidé d’arrêter son activité salariée, apprend le goût de la liberté, redécouvre la nature, les petites choses du monde et, objet avoué de la décision, les (re)trouvailles avec l’écriture. Dans le roman, cette femme devient Émilie, quitte son emploi, se retrouve seule, réapprend les choses simples de la vie et, là où dans le journal tout était figé dans l’espace, ici c’est sur la route que la narratrice va explorer sa libération.
Ce n’est pas sans humour et tendresse qu’Émilie s’en va sur les pas de… Pascal Quignard ! Pour parvenir à l’écriture, il faut non seulement passer par la lecture, mais ici, plus encore, cheminer sur les traces de son écrivain fétiche pour comprendre les tenants de la création, saisir la part du réel dans l’étendue de la fiction. Et probablement s’en affranchir pour mieux rebondir. Le périple à travers la géographie des romans de Quignard, passant par une phase de total dénuement pour tenter une expérience dans la forêt à la Thoreau, interroge la quête de l’héroïne qu’elle résume ainsi : « Je roule et je me balade. Quêtant je ne sais quoi. Les traces de Pascal Quignard ne sont qu’un prétexte, et pour aller vers quoi ? Pour qu’à l’épuisement de l’enquête, je me pose à une table de travail ? » Oui, et parions que Frédérique Germanaud, avec autant de sensibilité, continuera de nous faire part dans ses prochains ouvrages de son avancée vers le bruit de sa liberté.
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