Les conseils de GringoPimento
Souvenirs du rivage des morts – Michaël Prazan
Paru chez Rivages, septembre 2021
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[dropcap]T[/dropcap]el Robert Merle dans La mort est mon métier, l’historien et romancier Michaël Prazan décrypte le plus profond des âmes et la repentance de monstres.
Nous sommes au Japon. Un grand-père est en vacances avec sa famille. Extérieurement M. Mizumo coule des jours paisibles. Intérieurement, une litanie de noms défile dans sa tête, sans cesse. Une rencontre avec un vieil allemand déclenche des souvenirs qui vont nous apprendre d’où viennent ces noms et ce qu’ils représentent pour lui. Retour des années en arrière, son éducation, un père rigoriste, une mère soumise, la découverte de l’activisme politique.
M. Mizumo, de son vrai nom Yasukazu Sanso, a participé à de nombreuses actions, violentes. Pour son idéologie, il a accepté la mort. L’Armée rouge japonaise était son camp, son fief et il a embrassé sa cause avec passion même si des doutes le tiraillaient.
« Les choses ont mal tourné… » – « Comment ça, mal tourné ? » – « Il… Il y a eu des victimes. » – « Des v… Quelles victimes ? » – « Beaucoup de monde. Au moins la moitié de … D’entre nous… » Matsuda le fixe du regarde, ébahi. « Mais… qui… ? Comment ? La police ? » – «Non, pas la police… Nous. » – « Vous ? » – « Oui ! Nous ! Sur ordre des dirigeants ! Pour éprouver la ferveur révolutionnaire du groupe ! Pour éprouver sa détermination ! L’autocritique ! L’autocritique ! »
Lire un tel roman est éprouvant. Beaucoup de passages sont insoutenables. Michaël Prazan garde son cap, ne dévie pas, faire œuvre utile car on apprend dans les notes, à la fin du « roman » que les faits relatés sont vrais et ont existé. Seuls quelques personnages sont fictifs.
Pour son troisième roman, Prazan frappe très fort. Son récit est passionnant même si difficile. Les ressorts psychologiques à l’œuvre ici nous poussent dans nos retranchements et nous font nous poser l’éternelle question : qu’aurions-nous fait ?
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Les conseils d’Adrien
Pour l’intersectionnalité – Éléonore Lépinard et Sarah Mazouz
Paru chez Anamosa, mai 2021
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Pour l’intersectionnalité d’Éléonore Lépinard et Sarah Mazouz est un livre indispensable à bien des égards. Il permet de saisir pourquoi l’intersectionnalité est un outil formidable pour les sciences sociales, réfléchissant à tous les enjeux qui produisent l’oppression. Les deux autrices en démontrent clairement l’intérêt. Mais au-delà d’une simple défense de cette notion, ce livre est aussi un témoin des différentes attaques qu’a subies le monde universitaire autant par ses pairs que par le gouvernement.
Ainsi, Éléonore Lépinard et Sarah Mazouz retracent l’origine du rejet de cette notion et des autres critiques faites à l’encontre du milieu universitaire. Ce livre vulgarise des querelles qui n’ont fait que creuser le fossé entre la recherche sociologique et la société française. Les deux autrices condensent en 66 pages une présentation limpide qui permet de démontrer clairement que les détracteurs de cette notion n’ont fait que rendre plus confus encore la perception que l’on peut avoir des sciences sociales.
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Le livre de toutes les intentions – Marin Malaicu-Hondrari traduit par Laure Hinckel
Paru chez Éditions Inculte, septembre 2021
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[dropcap]P[/dropcap]remier texte de Marin Malaicu-Hondrari, écrivain roumain de 50 ans, Le livre de toutes les intentions raconte l’histoire d’un livre qui ne s’écrit pas. Le narrateur veut y rapporter son obsession pour les écrivains et écrivaines suicidé-e.s. Ces personnes sont comme des figures qui l’entourent à l’égal de la fumée de cigarette et de l’odeur du café. Le narrateur est un être rongé, compulsivement obsédé par la thématique de la mort mais il est aussi un être amoureux. Il parle d’Iris sa compagne comme pour mieux se convaincre d’être en vie.
De cette intention littéraire qui ne se concrétise pas ressort une narration entêtante et hallucinée. Pour écrire ce livre, le narrateur a quitté la Roumanie pour aller sur les routes d’Espagne et du Portugal. Il y voyage à bord d’une « Lexus » qu’il adule presque autant que ses suicidé-e.s célèbres. C’est un véritable road trip où se mélange le tabac, le café et cette impuissance d’écrire, de réaliser un livre en une nuit d’écriture.
Ce premier livre est teinté d’un cynisme de façade. Il ne faut pas se fier au personnage que dépeint Marin Malaicu-Hondrari. Cette admiration morbide cache un tout autre attachement, celui pour la littérature comme acte ultime de vie. Les auteurs et autrices suicidé-e.s qui peuplent le récit ont laissé-e.s une trace, des mots qui résonnent et ont retranscrit leur mal-être par l’art de la littérature.
Dans Le livre de toutes les intentions, on comprend très vite que le personnage principal est un avatar de l’auteur. Quand il se charge de l’héritage des mort-e.s, il veut porter haut le message simple que la peine fut trop lourde pour elles et eux de vivre intensément. Marin Malaicu-Hondrari n’en a pas l’air mais il parle bien ici d’une vie libre, énergisée par le café et le tabac. La vie et la mort sont ici deux faces d’une même pièce. L’intention reste la liberté d’écrire ou de ne pas le faire.
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Le conseil de Dominique
Alicia, Prima Ballerina Assoluta – Eileen Hofer et Mayalen Goust
Paru chez Rue de Sèvres, Avril 2021
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[dropcap]A[/dropcap]vec Alicia (Rue de Sèvres), c’est un joli portrait dont nous font grâce Eileen Hofer (scénario) et Mayalen Goust (dessin et couleurs).
Cette bande-dessinée revisite la période post-révolutionnaire cubaine et met l’accent sur la vie et le rôle de la Prima Ballerina Assoluta. L’histoire commence à New York en 1943. Alicia Alonso n’a jamais dansé Giselle mais il se trouve qu’elle connaît le rôle par cœur et que, deux jours plus tôt, la danseuse en titre Markova était trop malade pour mettre un pied devant l’autre.
La Cubaine, comme on la nomme, s’est ainsi retrouvée devant une salle pleine à craquer pour tenter de faire valoir sa chance et son talent. Entre cette période et celle qui nous plonge en 2011, quelques pages plus tard, plusieurs destins vont se croiser. Outre celui d’Alicia, que le régime cubain va tenter d’ériger en icône de l’idéologie castriste, nous suivrons avec intérêt celui de Manuela, mère célibataire dont le rêve de devenir danseuse classique va se heurter à une dure réalité, ainsi que celui d’Amanda, une jeune ballerine qui se bat pour être à la hauteur de ses ambitions.
La création et la vie d’une école de danse par Fernando Alonso, mari d’Alicia, alimente le cadre historique donné au récit. Les principes de l’école sont très significatifs de sa nationalisation : prendre en compte la morphologie cubaine, valoriser le corps cubain, lors des sauts, des fouettés, des battus… Toute une technique mise au service d’une amplitude de sauts inégalée tout autant que de la glorification de Fidel. Fédérer tout un peuple par la danse et le ballet : bienvenue dans le monde d’Alicia. Fascinant.
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Le conseil de Un Livre au pif
Traverser la foule- Dorothée Caratini
Paru chez Éditions Bouquins, Août 2021
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[dropcap]T[/dropcap]raverser la foule, premier roman de Dorothée Caratini, lève les tabous du deuil.
Peu de temps avant Noël, alors que Dorothée rentre des courses les bras chargés de cadeaux, elle se retrouve face à son mari, Stéphane, pendu à la rambarde des escaliers de leur maison, les lunettes encore sur le nez, les charentaises aux pieds.
Maman de deux fillettes, Abigaelle et Sidonie, deux ans et demi et cinq mois, elle va donc devoir affronter « l’après » : les autres, les rumeurs , les papiers, sa colère , ses enfants, son désir , les questions . L’auteure nous partage ici son histoire, sans artifice, sans pathos.
Elle fait au contraire preuve de beaucoup de courage à travers ces pages, mais aussi d’une bonne dose d’autodérision. Qui a dit qu’on ne pouvait pas plaisanter d’une situation tragique ?
Dans ce roman Dorothée Caratini nous parle, se parle, en parle pour tenter d’avancer, de comprendre, de partager pour reconstruire. Face à cet acte d’égoïsme pur, qu’est le suicide, elle nous propose de traverser la foule « pour ne pas se perdre ou perdre des morceaux de soi ».
Plus qu’une histoire, on se retrouve avec Traverser la foule face à une expérience de vie. Tout cela étant appuyé par un style littéraire très personnel : Elle écrit à la première personne, puis utilise la troisième pour parler de la rencontre avec son mari, elle va jusqu’à interpeller le défunt « Hé toi, dis-moi : pourquoi t’es mort ? ».
Ce livre vous emporte par son honnêteté, et sa singularité, dans les pensées les plus intimes de l’auteure. C’est ce qui fait de cette histoire autobiographique, un moment si cathartique. Un talent à suivre de près, les rumeurs parlent déjà d’un deuxième roman !
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Le conseil de Barriga
Ouvre ton aile au vent – Eloi Audoin-Rouzeau
Paru chez Phébus, Septembre 2021
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[dropcap]C'[/dropcap] est sans conteste l’un des livres les plus singuliers de cette rentrée littéraire, ce genre de livre qui reste en mémoire longtemps après sa lecture achevée, tant l’intrigue est originale et vous sort de votre de confort. Il faut imaginer un Paris dans quelques années, le monde est sorti d’une pandémie véhiculée par la transmission de l’homme d’un virus mortel par un canard. Tout cela est loin désormais. Mais dans un soucis de célébration cathartique, chaque année, une célébration est organisée dans la capitale. Le but est simple, un canard est lâché dans la rue, il est pourchassé par une horde de chasseurs dont le but et de l’attraper, de le tuer pour être ensuite préparé par le plus grand cuisinier de la ville et finalement dévoré lors d’un buffet salvateur. Seulement voilà, un homme décide de braver cette coutume sanguinaire et va essayer de sauver le volatile. . .
Il y a tant de thèmes abordés dans ce livre qui en dit beaucoup entre les lignes, la désobéissance civile, la résistance, le renversement des valeurs carnavalesques, l’absurde, la folie destructrices des hommes. C’est un premier roman concis au ton juste, rien n’est de trop pour notre plus grand plaisir. C’est une fable avec une force que l’on ne voit pas venir, une allégorie sur la faiblesse des hommes refusant le libre arbitre. Une superbe découverte !
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